Les mobilisations populaires ont non seulement fait échouer le coup d’État contre le gouvernement de transition mais elles aussi empêché les manœuvres des dirigeants de la CEDEAO qui avalisaient les exigences des putschistes.
«Nous avons vu ce qui s’est passé. Nous avons su que le peuple n’était pas favorable. C’est pour ça que nous avons tout simplement abandonné ». Ce constat fait par Diendéré, le dirigeant du Régiment de sécurité présidentiel (RSP) et principal auteur du coup d’État raté, révèle l’importance des mobilisations populaires qui se sont déroulées à travers le pays.
Dans les principales villes de province, où les hommes du RSP sont absents, les manifestations contre le coup d’État étaient quotidiennes. L’appel à la grève générale lancé par l’Unité d’action syndicale (UAS), regroupant confédérations et syndicats autonomes, a été largement suivi : administrations, banques et marchés sont restés fermés. Quant aux forces armées du Burkina, elles sont intervenues suite aux pressions de plus en plus fortes des hommes du rang et des sous-officiers qui ne supportaient plus de voir une population réprimée dans le sang par une milice jouissant de privilèges exorbitants en comparaison aux autres corps militaires.
Sur la route, les populations applaudissaient les troupes de l’armée venues des différentes provinces pour libérer Ouagadougou « du joug des terroristes ».
Les putschistes ont donc jeté l’éponge, et mercredi 23 septembre, comme son Premier ministre Issac Zida, le président Michel Kafando reprenait ses fonctions sous un tonnerre d’applaudissement à l’hôtel Laico, pour conduire le pays vers des élections libres et démocratiques.
Les masques tombent...
Diendéré a sous-estimé la volonté populaire et surestimé le poids de la CEDEAO qui regroupe les dirigeants des pays de l’Afrique de l’Ouest qui ont tenté, sous prétexte de médiation, de faire accepter parmi les BurkinabéEs et la communauté internationale les revendications des putschistes. En effet, autoriser les candidats liés à Blaise Compaoré, l’ancien dictateur, à se présenter aux élections présidentielles et législatives aurait permis qu’ils reviennent au pouvoir grâce à des élections truquées supervisées par les putschistes. La CEDEAO a donc clairement tenté de remettre en selle le clan de Compaoré, ce qui aurait assuré aux nervis du RSP d’échapper à la justice dans les affaires de meurtres dans lesquelles ils sont impliqués, tel celui de Sankara ou du journaliste d’investigation Norbert Zongo.
Ce coup d’État a eu le mérite de faire tomber les masques des dirigeants d’Afrique de l’Ouest dont la plupart sont des anciens comparses de Compaoré, ainsi que les dirigeants du CDP, l’ancien parti au pouvoir, qui en approuvant ce coup de force a confirmé la nature de cette organisation.
Contrairement au souhait de Diendéré, « Le putsch est terminé, on n’en parle plus... », la dissolution du RSP, surnommé le Régiment de séquestration présidentielle, et l’ouverture d’une enquête judiciaire pour les quinze meurtres délibérés et de sang-froid de manifestants, ainsi que pour les nombreux blessés par balles, sont des mesures que la population attendait.
Cette formidable mobilisation populaire en défense des acquis de la révolution est de nouveau un exemple et la preuve vivante qu’il est possible de faire échec à deux fléaux courants sur le continent : les coups d’État et leur corollaire, les dictatures.
Paul Martial