Depuis cet été, la répression accrue des Ouighours dans la province chinoise du Xinjiang est dénoncée par des ONG, des personnalités publiques et plus récemment certains États, qui condamnent en chœur la politique raciste perpétrée par Pékin contre cette minorité ethnique, quand cela peut servir leurs intérêts économiques ou géopolitiques...
Les Ouïghours sont un peuple d’Asie centrale, turcophone et majoritairement musulman, a été rattaché à la Chine en 1759, par l’annexion du « Turkestan oriental ». Ils seraient aujourd’hui environ 13 millions à vivre dans cette région reculée de l’ouest de la Chine. C’est dans les années 1950, puis lors de la révolution culturelle, que l’État chinois a lancé une politique d’assimilation forcée des diverses minorités du pays, ciblant notamment les Tibétains et les Ouïghours. La répression s’accroît à mesure que la Chine se développe et cherche à exploiter cette lointaine région, stratégique par ses ressources et sa localisation. La brutalité de Pékin attise le nationalisme, partiellement instrumentalisé par des organisations intégristes islamiques, dont le Parti islamique du Turkestan, affilié à Al-Qaida. En 1995, les émeutes d’Aksou sont le prétexte à une nouvelle vague de répression, dont la lutte contre le terrorisme sera l’argument clé, notamment après le 11 septembre 2001.
Un laboratoire de la dictature
Depuis lors, les persécutions se multiplient (flicage, arrestations arbitraires, surveillance des familles), tandis que sont instaurés un contrôle des naissances et une campagne de stérilisation forcée des femmes ouïghoures. Une politique qui vise à diluer les Ouïghours dans l’ethnie Han (majoritaire en Chine), passée de 6% de la population régionale en 1949 à plus de 45% aujourd’hui, devant les Ouïghours (40%). Les dizaines de camps « de rééducation » – où sont enfermées chaque année près d’un million de personnes – incarnent cette volonté d’affaiblir cette minorité ethnique, alors que le régime expérimente dans le Xinjiang des mesures liberticides (endoctrinement des enfants arrachés à leur famille, apprentissage obligatoire du mandarin,…) et des technologies de surveillance de masse utilisables contre toute la société. En effet, l’État chinois cherche aussi à faire un exemple de « lutte contre le séparatisme », en montrant que le régime est prêt à tout pour maintenir l’ordre : du Tibet à Hong-Kong, mais aussi contre la société chinoise toute entière.
Une région stratégique pour la Chine… et les impérialistes
Par ces mesures racistes, Pékin entend mettre au pas une minorité dans une région cruciale pour ses projets de « nouvelles routes de la soie ». Le Xinjiang est vaste (16 % du territoire chinois) et représente 84% de la production nationale de coton et fournit de nombreuses ressources : minerais, terres rares, carrefour d’oléoducs… D’ailleurs, de nombreuses multinationales y sont présentes et exploitent une main-d’œuvre bon marché… et docile. Entre 2017 et 2019, 80 000 Ouïghours ont été envoyés dans des usines de la région. Des groupes comme Gap, Adidas, C&A, Tommy Hilfigher, H&M, Uniqlo, Nike, mais aussi Amazon, Nokia, Apple ou encore Volkswagen profitent de la situation au Xinjiang, sans rien dire ! La bourgeoisie a le cœur du côté du portefeuille : c’est bien connu !
L’hypocrisie des faux-amis
C’est sans doute pour les mêmes raisons intéressées que les États occidentaux changent de ton et dénoncent aujourd’hui la Chine. Ils se disent préoccupés par les droits humains, mais c’est certainement pour répondre à la montée en puissance de l’économie chinoise que Trump, Le Drian ou... le patron du groupe allemand Siemens ont tour à tour dénoncé le sort fait aux Ouïghours. Non pas que les impérialistes occidentaux soient du côté des oppriméEs : ils tolèrent autant les dictateurs que les jihadistes, quand cela va dans le sens de leurs intérêts… Mais face à ce « rival stratégique » (d’après l’UE) et « concurrent systémique » (pour la Fédération des industriels allemands) qu’est la Chine, la situation au Xinjiang peut « justifier » des sanctions commerciales contre les entreprises chinoises concurrentes. Une pression diplomatique dont ils espèrent profiter pour avancer leurs pions, mais qui ne changera rien au sort des Ouïghours, ce qu’ils savent pertinemment.