Publié le Dimanche 3 avril 2011 à 14h43.

Chute du gouvernement au Portugal : contre les mariages de raison

Le mercredi 23 mars, José Socrates, Premier ministre portugais, membre du Parti socialiste, a démissionné suite au rejet massif par les partis d'opposition d’une dernière proposition de mesures d'austérité, censées empêcher l'économie portugaise - considérée comme la plus faible dans la zone euro - de plonger dans le chaos. L’ensemble des partis de l'opposition s’est unis pour voter au parlement le refus des propositions du gouvernement. La question est de savoir ce qui va être proposé pour les prochaines élections. Une proposition de coalition entre le Parti socialiste (PS), le Parti social démocratique (PSD, centre droite) est en discussion. Francisco Louça, le porte parole du Bloco de Gauche a déclaré que «La solution pour le pays n'est pas de rassembler le PS et le PSD pour qu’ils mettent en œuvre les politiques du FMI et qu’ils appauvrissent les travailleurs, les retraités et les jeunes précaires». Il a ajouté que, dans ces conditions, les élections seraient une fraude vis-à-vis des électeurs.

Le choix ne doit pas se poser entre l’austérité du PS ou du PSD, et cela avec ou sans le CDS (parti nationaliste conservateur). Le choix se pose entre opter pour réduire le déficit public ou répondre aux besoins sociaux des gens, entre l’emploi et les bénéfices, entre la croissance économique et la récession.

L’Europe s’est mise d’accord sur un nouvel ensemble de mesures d’austérité. Présentées par Merkel comme un « pacte de compétitivité », il a été rebaptisé sous le nom de « Pacte pour l'Euro ». Toute ressemblance avec le programme des deux principaux partis portugais, auxquels on fait de plus en plus référence comme au « Bloc central » (pour ne pas dire de « droite »), est purement fortuite...

Le chantage a commencé et les menaces se précisent. Les appels pour une coalition entre le PS, le PSD, avec ou sans le CDS, est en discussion. Dans chacun des partis, des voix se lèvent pour appeler à une telle coalition, mais on voit aussi certains lauréats se distinguer comme potentiels représentants de ce « mariage de raison ». Des personnalités telles que l’ex-président Mario Soares, les anciens ministres du PS Luis Amado et Antonio Vitorino, ainsi que les leaders de l’aile droite du PSD Marcelo Rebelo de Sousa et Alberto Joao Jardim.

Le Premier Ministre José Socrates, récemment désavoué, n’a pas de programme au-delà de l’austérité. Il s’est engagé à l’appliquer à Bruxelles, lorsqu’il a voté pour le « Pacte de l'Euro ». Beaucoup d’éléments des plans d’austérités récemment rejetés se retrouvent dans ce Pacte qui représente une attaque frontale contre les conditions de vie des gens, avec le blocage des salaires, l’adoption de limites imposées aux dettes publiques, une augmentation de l’âge de la retraite, un engagement pour l’harmonisation de l’impôt des sociétés, etc. Cet accord contribuera à rendre le Portugal et l’Europe dans son ensemble encore plus inégaux d’un point de vue social et vont prolonger la crise.

Le leader du PSD, Passos Coelho, a rédigé une déclaration à propos du marché international. Rédigée en anglais, elle a été présentée à un auditoire allemand. Par cette déclaration, il veut montrer que son programme d’austérité n’est pas très différent de celui de Socrates. On voit bien maintenant que ses promesses sont ouvertement contredites pour montrer son adéquation aux attentes de Merkel. Il s’était en effet engagé à ne pas toucher au taux de TVA, mais promet maintenant de l’augmenter à 25%. De plus, après que le PSD ait voté contre le Programme de Stabilité et de Croissance à l’Assemblée Nationale, Passos Cohelo s’est rendu à Bruxelles pour y déclarer que les éléments qu’il contient serviraient de base à son propre programme.

Le PS évoquera les dangers de l'arrivée au pouvoir de la droite, mais c’est avec la droite qu’il veut former un gouvernement après les élections. Le PSD traitera le PS d’incompétent, mais envisage en réalité de suivre les mêmes mesures, tout en ne se sentant pas spécialement à l’aise avec l’idée de devoir participer à la large majorité appelée par l’ancien ministre des finances Teixeira dos Santos. Le Président du PSD, Cavaco Silva, a déjà rencontré les autres partis pour convenir d’une élection début juin. Il mendie un grand bloc central qui réunirait le PS et le PSD.

Chaque jour qui passe, le scénario est plus limpide. Cavaco, le PS et la droite veulent un gouvernement fort pour imposer l’austérité. La gauche se mobilise pour combattre l’austérité dans son ensemble. Le choix est donc entre l’austérité du PS et celle du PSD, avec ou sans l’aile droite du CDS. Le choix est entre le déficit et les gens, entre le travail et les bénéfices, entre la croissance économique et la récession. Personne à gauche ne pourra éviter cette bataille !

25 mars 2011

Pedro Filipe est membre du Parlement portugais et de la direction nationale du Bloc de Gauche. Traduction française par Sylvia Nerina pour le site www.lcr-lagauche.be