Publié le Mercredi 1 octobre 2025 à 14h00.

Des plans pour Gaza

Sous couvert d’un « plan de paix », Trump et Netanyahou préparent un nouveau dispositif colonial pour Gaza. 

Après un discours ultra-violent, menaçant et incohérent à l’ONU la semaine dernière, Trump a repris des accents de décideur mondial. Il hausse le ton contre Netanyahou : « il n’y aura pas d’annexion de la Cisjordanie ». Surtout, il a visiblement réussi à lui imposer son « plan de paix ». Ce plan avait été présenté aux dirigeants du Qatar, de l’Arabie saoudite, de l’Indonésie, de la Turquie, du Pakistan, de l’Égypte, des Émirats arabes unis et de la Jordanie sans qu’aucunE représentantE palestinienNE (interditEs de visa par ailleurs) n’ait pris part à ces discussions.

Un plan colonial sous d’autres uniformes

Le plan se décline en 20 points. Il inclut la libération immédiate de tous les otages restants en une seule fois, un cessez-le-feu permanent, le retrait progressif (en au moins trois étapes) d’Israël de presque toute la bande de Gaza. L’après-guerre prévoit un mécanisme de gouvernance à Gaza sans le Hamas, une force de sécurité composée de PalestinienNEs mais aussi de soldats issus de pays arabes et musulmans, le financement par les pays arabes et musulmans de la nouvelle administration à Gaza et de la reconstruction de l’enclave, et une implication de l’Autorité palestinienne. Ce plan prévoit également la libération de 250 prisonniers politiques palestiniens et la démilitarisation du Hamas. Bref, il s’agit d’un nouveau plan de gestion coloniale, mais sous d’autres uniformes.

Un retour du mandat britannique

Le plan de Trump inclut celui de Tony Blair, qui a fuité dans Haaretz cette semaine. Dans un document très détaillé — organigramme en mode corporate — Blair, ancien Premier ministre britannique théoriquement ­travailliste mais qui fut l’un des premiers à avoir promu la social-démocratie néolibérale et coloniale, il a accompagné toutes les aventures militaires et meurtrières de G. W. Bush en Afghanistan (2001) et surtout en Irak (2003). Dans son plan, Blair se rêve en proconsul gérant Gaza (de l’extérieur) avec une délégation d’hommes d’affaires occidentaux. Aucune mention ou presque d’une quelconque participation palestinienne dans un premier temps. Le retour du mandat britannique en quelque sorte.

Un cessez-le-feu improbable

Certains aspects du plan Trump sont proprement scandaleux — la force d’interposition, une administration aux ordres de pays tiers. Beaucoup d’autres sont des promesses qui ne seront probablement jamais tenues. Le retrait de l’armée israélienne de Gaza et un cessez-le-feu permanent seraient évidemment salutaires compte tenu des souffrances des GazaouiEs. La pression sur le Hamas est telle qu’il devrait accepter ce plan. Mais prendre ces engagements pour argent comptant relèverait d’une naïveté criminelle. Les États-Unis et Israël sont probablement les pays les plus célèbres dans l’histoire pour leur non-respect des accords de paix. Le plan israélien est en effet de créer des zones sans PalestinienNEs dans des portions importantes de l’enclave, en poursuivant pour cela les bombardements et les destructions, fût-ce à un rythme moins soutenu. Le plan Trump ne parle en outre ni de l’UNRWA ni de l’aide, qui est clairement pour Israël un moyen de contrôle à long terme des PalestinienNEs de Gaza. Quelques heures après l’avoir signé, Netanyahou proclame sans surprise que certaines parties de ce « plan de paix » ne seront pas respectées par Israël, comme cela a été le cas auparavant pour tous les accords de cessez-le-feu.

Notre plan pour Gaza

Il faut donc continuer la mobilisation populaire. C’est la pression internationale qui a forcé la main aux pays occidentaux pour reconnaître l’État de Palestine. C’est la pression internationale qui isole Israël politiquement sur la scène internationale. Pour preuve, toute une série de basculements qu’on aurait dit irréalistes il y a quelques semaines, comme la possible exclusion d’Israël de l’UEFA – alors qu’il y a quelques mois seulement cette institution accordait une place à ce pays dans son comité exécutif. Des artistes mondialement connuEs, des sportifVEs de renom et surtout la flottille du Sumud viennent provoquer directement l’armée israélienne et son impunité. Les dirigeants israéliens soufflent le chaud et le froid : d’un côté, ils ont proposé de déposer l’aide humanitaire en Israël (ce que la flottille a refusé, bien évidemment), de l’autre, plusieurs déclarations guerrières et inquiétantes sur une attaque en mer. La flottille est certes « escortée » par des navires italiens et espagnols. Mais quelle sera leur réelle marge de manœuvre en cas de confrontation ? Il faut garder les yeux sur la flottille et maintenir la mobilisation : voilà notre plan pour Gaza.

Édouard Soulier