À force d’avoir la folie des grandeurs, le dictateur égyptien Abdel Fattah Al-Sissi en arrive même à vouloir censurer la diffusion de… ses propres interviews. La presse internationale s’est fait l’écho, ces derniers jours, de l’intervention de l’ambassade d’Égypte aux États-Unis auprès de la chaîne CBS pour exiger qu’elle ne diffuse pas l’interview qu’elle avait réalisée avec le maréchal. Mais comme il est plus difficile de censurer à l’étranger qu’à domicile, y compris dans un pays allié mais dans lequel les médias ont une tradition d’indépendance, CBS a refusé de se soumettre aux injonctions de l’Égypte.
Que redoutait donc Sissi ? A priori, pas les questions concernant les prisonniers politiques égyptiens, dont le nombre s’élèverait aujourd’hui, selon différentes ONG, à 60 000. En effet, interrogé à ce propos, Sissi a froidement affirmé : « Nous n’avons pas de prisonniers politiques ou d’opinion. » En réalité, ce sont ses propos confirmant la collaboration entre l’armée égyptienne et les forces israéliennes, dans le Sinaï, dans la « lutte antiterroriste ». Lorsqu’en février 2018, le New York Times avait révélé l’existence de raids aériens conjoints, les autorités égyptiennes avaient démenti, sachant qu’une telle coopération n’a pas bonne presse en Égypte. Pour reprendre la formule d’un chercheur cité par le Monde, « le peuple tolère une paix froide, mais pas une alliance militaire ». L’alliance est désormais officielle et, si elle n’est guère surprenante dans la mesure où l’on observe depuis plusieurs années les réalignements au Moyen-Orient, avec notamment l’axe Égypte-Israël-Arabie saoudite, cette information pourrait contribuer à discréditer encore un peu plus un régime dont l’autoritarisme est inversement proportionnel à la légitimité.