Publié le Vendredi 13 avril 2012 à 19h02.

Élections en Birmanie

Le 1er avril se tenaient en Birmanie des élections partielles pour pourvoir 48 sièges laissés vacants.La Ligue nationale pour la démocratie (LND) dirigée par la lauréate du prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi a remporté 43 des 44 sièges qu’elle briguait. Le résultat a été salué unanimement par la presse internationale comme une victoire de la démocratie. Quelques avancéesLa possibilité pour la LND et d’autres partis d’opposition de participer aux élections ne doit pas faire oublier le contexte dans lequel elles se sont inscrites. Pour la majorité des Birmans, la vie a peu changé, depuis le passage à un gouvernement semi-civil dirigé par l’ancien général de la junte Thein Sein en mars 2011. Une (petite) partie des prisonniers politiques a été relâchée et il y a eu quelques avancées relatives en ce qui concerne les libertés démocratiques.

Ces gestes ont peu coûté à la junte birmane reconvertie tout en donnant des gages à la communauté internationale pour obtenir la levée des sanctions économiques. Mais dans ce pays appauvri par 60 ans de dictatures militaires, les réformes réelles qui changeraient la vie des 54 millions de Birmans se font encore attendre. Malgré des assurances que les élections seraient indépendantes et démocratiques, des irrégularités massives les ont entachées : censures, pressions sur les candidats, violences contre les militants, intimidations des votants, achats de voix, inscriptions irrégulières sur les listes électorales. Les autorités et la commission électorale ont multiplié les obstacles pour gêner la campagne électorale de la LND. Violations des droits humainsDans le même temps, malgré la signature d’accords de paix avec plusieurs groupes ethniques, les conflits militaires ont continué ainsi que de graves violations des droits humains. Selon la Commission pour les droits humains des Nations unies (UNHRC), les méthodes de l’armée birmane, la Tatmadaw, n’ont pas changé : attaques contre les civils, meurtres extra-judiciaires, viols, déplacements forcés, utilisation des civils comme boucliers humains et recours au travail forcé.

Le 23 mars, la commission électorale a différé le vote dans trois circonscriptions en territoire Kachin où l’armée mène une offensive militaire, privant de vote plus de 200 000 personnes.

Pour les minorités ethniques qui représentent 40 % de la population birmane, aucune amélioration n’a été perçue avec le nouveau gouvernement. Au contraire la situation a empiré avec un regain des conflits militaires. Les élections du 1er avril ont une portée symbolique mais elles ne changeront pas les rapports de pouvoir. La Ligue nationale pour la démocratie disposera d’environ 5 % des sièges au Parlement alors que les militaires et son principal parti, l’USDP, en ont 80 %. Le Parlement a par ailleurs un pouvoir très limité et les militaires un droit de veto sur ses décisions. Démocratie ?La Birmanie est encore loin d’être une démocratie. En prend-elle réellement le chemin ? La réponse dépendra de la capacité à exercer des pressions à la fois en Birmanie et à l’extérieur du pays sur ce gouvernement dont l’objectif est de se maintenir aux commandes de l’économie et des affaires pour continuer à s’enrichir.

Le véritable succès de ces élections réside sans conteste dans la mobilisation massive de dizaines de milliers de Birmans qui ont brisé la peur de s’engager en politique. Suu Kyi elle-même considère que « c’est l’émergence de la conscience politique de notre population que nous considérons comme notre plus grand succès ».

Danielle Sabai