Un mouvement croissant d’organisations de défense des droits civiques, de groupes communautaires latinos, de syndicats et d’élus exige le retour de Kilmar Armando Abrego García, que le président Donald Trump a expulsé vers une prison au Salvador en violation de la Constitution des États-Unis.
Ils ont aussi porté cette affaire devant les tribunaux fédéraux et jusqu’à la Cour suprême. Le cas d’Abrego García est en même temps devenu le centre de la lutte entre Trump et les tribunaux, un affrontement maintenant devenu une crise constitutionnelle, soulevant la question de savoir si les États-Unis resteront une démocratie libérale ou deviendront une dictature autoritaire.
Une « erreur administrative »
Le 15 mars, Abrego García, un immigrant salvadorien marié à une citoyenne américaine et père de trois enfants qui sont citoyens américains, vivait légalement aux États-Unis lorsqu’il a été expulsé vers la tristement célèbre prison du centre d’enfermement pour le terrorisme (CECOT) au Salvador. Il faisait partie d’un groupe de migrants expulséEs par avion vers le Salvador sans avoir bénéficié d’une procédure régulière. Il bénéficiait pourtant d’un statut de « rétention de l’expulsion » lui permettant de vivre et de travailler aux États-Unis parce qu’il risquait de subir la violence des gangs s’il était renvoyé au Salvador.
Le gouvernement américain l’accusait d’être membre du gang MS-13, considéré comme une organisation terroriste. Pourtant, Abrego García n’a jamais été condamné pour un crime dans aucun des deux pays. Il n’a jamais eu l’occasion de se défendre contre l’expulsion devant un tribunal, ce qui constitue une violation de la disposition de la Constitution relative aux « droits de la défense ». L’administration Trump a qualifié son expulsion d’« erreur administrative », mais a fait valoir qu’une fois qu’il se trouvait au Salvador, elle était impuissante à le ramener.
Mobilisation pour Kilmar et contre les diktats de Trump
Le 10 avril, la Cour suprême des États-Unis a statué à l’unanimité que l’expulsion d’Abrego García était illégale et que le gouvernement devait « faciliter » sa libération. Pourtant, l’administration Trump ne l’a pas fait.
La juge libérale Ana María Sotomayor a fait remarquer que l’argumentation de l’administration Trump impliquait que le gouvernement « pouvait expulser et incarcérer n’importe quelle personne, y compris des citoyens américains... »
Abrego García a donc bénéficié d’un large soutien, non seulement en raison de l’injustice évidente de son cas, mais aussi parce que son expulsion est désormais considérée comme une menace pour chacun d’entre nous. Le président du syndicat d’Abrego García, Michael Coleman, de l’Association internationale des travailleurs de la tôlerie et du transport ferroviaire, s’est exprimé avec force pour exiger sa libération et son retour auprès de sa famille et de son travail. De même, CASA, l’organisation d’immigrés latinos basée dans l’État d’origine d’Abrego García, le Maryland, a également exprimé son « indignation » et exigé son retour.
Le sénateur américain du Maryland Chris Van Hollen s’est rendu au Salvador pour demander la libération d’Abrego García et l’a rencontré, mais Nayib Bukele, le président dictatorial du Salvador, a déclaré que son gouvernement le maintiendrait en prison. S’adressant à Trump, Van Hollen a déclaré : « Si vous voulez faire des déclarations sur M. Abrego Garcia et le MS-13, vous devriez les présenter au tribunal, pas sur les réseaux sociaux, ni lors de conférences de presse ».
Pression de la rue sur la Cour suprême
Entre-temps, des milliers de personnes ont manifesté pour exiger la libération et le retour d’Abrego Garcia à Washington et dans les capitales des États. Et lors de la deuxième grande manifestation nationale contre Trump, qui a rassemblé des centaines de milliers de personnes dans tout le pays, le 19 avril, beaucoup ont réclamé justice pour les immigréEs, y compris pour Abrego García.
Cette affaire et d’autres du même type ont un impact sur la Cour suprême qui, samedi à une heure du matin, a rendu une ordonnance empêchant Donald Trump d’expulser deux cents autres migrantEs du Texas vers le Salvador. La Cour suprême avait déjà statué que les migrantEs devaient être informés à l’avance de leur déportation et avoir la possibilité de se présenter devant un tribunal. Et c’est là l’enjeu essentiel : aurons-nous nos droits ou un pouvoir dictatorial ? La réponse reste indécise. De nombreux citoyens sont aujourd’hui dans la rue. Le combat continue donc : « Ramenez Kilmar à la maison ! »
Dan La Botz, traduction Henri Wilno