Publié le Mercredi 30 septembre 2020 à 11h13.

Hong Kong : le dragon et la poule aux œufs d’or

Dans son dernier livre1, le militant hongkongais Au Loong Yu utilise l’image du dragon et de la poule aux œufs d’or pour symboliser le conflit entre le régime chinois et la population d’un territoire jouant un rôle clé dans les flux financiers entre la Chine et le reste d’une planète sur laquelle Xi Jinping rêve d’établir sa suzeraineté.

En 2019, Hong Kong a connu les plus grandes mobilisations de son histoire. Les jeunes en ont été les principaux moteurs. Ils et elles étaient excédés par la volonté de Pékin d’aligner Hong Kong sur les normes en vigueur sur le continent. L’annonce d’un projet de loi permettant d’extrader toute personne sur le continent chinois afin de la faire condamner par des tribunaux aux ordres a mis le feu aux poudres.

Deux difficultés majeures

Malgré le dynamisme et le courage des participantEs, ce mouvement souffrait de deux difficultés majeures :
– un rapport de forces objectif très défavorable : la Chine continentale est près de 200 fois plus peuplée que Hong Kong, et c’est l’un des États les plus puissants et les plus répressifs du monde ;

– le régime chinois est en capacité de mettre au point une stratégie redoutablement efficace et d’y affecter des moyens matériels et humains considérables.
Le mouvement de Hong Kong a expérimenté une succession de tactiques différentes : manifestations de masse à vocation non violente, affrontements décentralisés plus violents, actions de proximité dans les quartiers, présentation de candidatEs aux élections locales, prolifération de syndicats militants, etc.

Face à la toute-puissance du régime, une action convergente des populations du continent et de Hong Kong aurait été nécessaire. Mais seule une minorité de HongkongaisES ont agi dans ce sens. Une aile xénophobe beaucoup plus puissante s’en est par contre pris aux originaires du continent, rendant encore plus difficile une telle convergence.

Une grande partie de la gauche internationale a failli à son devoir de solidarité élémentaire. De leur côté, certainEs HongkongaisES ont recherché un soutien du côté des gouvernements étrangers, et notamment celui des États-Unis, ce qui a facilité la propagande de Pékin selon laquelle le mouvement était dû à des « ingérences étrangères ».

À partir de janvier 2020, la Covid a rendu encore plus périlleuses les manifestations, et le rapport de forces s’est encore davantage dégradé.

Face à la contre-offensive de Pékin

Tout cela a permis à Pékin de mettre en place une contre-offensive cohérente. Celle-ci a franchi un cap décisif le 30 juin 2020 avec la promulgation d’une loi sur la « sécurité nationale », encore plus liberticide que le projet de loi d’extradition que le pouvoir avait été contraint de retirer.
Une répression croissante touche majoritairement les jeunes, mais également des universitaires, des responsables politiques, des syndicalistes, etc.2 En 15 mois, plus de 10 000 personnes ont été arrêtées3.

Des raisons d’espérer toutefois :
– le 24 novembre 2019, alors que le mouvement semblait dans une impasse totale après la fin démoralisante de l’occupation des universités, l’opposition a remporté une victoire écrasante lors des élections locales, démontrant que l’immense majorité de la population restait toujours favorable au mouvement ;

– vers la même époque une multitude de nouveaux syndicats militants sont apparus. Celui du secteur hospitalier public a lancé début février une grève réussie de cinq jours consécutifs qui a contraint le gouvernement à prendre enfin quelques mesures élémentaires face au Covid alors en plein essor.
Des éléments existent donc pour qu’une stratégie de résistance dans la durée voit le jour. Reste à la gauche internationale d’y contribuer, notamment en s’impliquant dans la solidarité face à la répression.