Au terme d’une longue, violente et coûteuse campagne, Narendra Modi, leader de l’extrême droite hindouiste, vient de gagner une seconde fois, et très largement, les élections générales indiennes. Avec 303 sièges sur 543, son parti, le BJP, remporte une victoire écrasante basée sur une campagne de haine.
Prétendu vendeur de thé parti de rien, Modi se l’est joué souvent businessman, défenseur du capitalisme sauvage. C’était son numéro pour se faire élire en 2014. Il y a quelques mois encore, après les déconvenues économiques marquant son premier mandat (2014-2019), le BJP ne semblait pas le mieux parti dans la campagne.
En février dernier, la montée des tensions avec le Pakistan n’a pas laissé présager une guerre, mais elle a considérablement alourdi l’atmosphère dans le pays et le poids des discours nationalistes, y compris de gauche. Surnommé « le boucher du Gujarat » pour son implication dans les pogroms anti-musulmanEs organisés dans cet État qu’il dirigeait en 2002, Modi était le mieux placé pour gagner dans ces conditions. Et la mascotte du BJP pour la campagne était Pragya Singh Thakur : principale accusée d’attentats terroristes ciblant des musulmanEs en 2008, et ayant fait 10 morts. Autant dire que la campagne de cette année n’a presque pas été menée sur la promesse de développer le pays.
Le nationalisme, high-tech parfois, ne sort pas de la misère
Le BJP et sa maison-mère le RSS, une organisation de masse se voulant paramilitaire et fondée sur le modèle mussolinien en 1925, peuvent bénéficier depuis des années d’un soutien dans des populations justifiant ses crimes, et accusant leurs contradicteurs d’avoir subi un lavage de cerveau. Mais Digital India, slogan du BJP basé sur une campagne de Modi pour renforcer l’accès à internet et aux smartphones dans le pays, n’est qu’un développement marginalisant les plus pauvres, spécialement les ruraux. Modi avait promis, pour se faire élire, de créer 20 millions d’emplois par an. 11 millions d’emplois ont été détruits l’année dernière : une première depuis près de trente ans. Les ravages de la sécheresse, dans le Maharastra particulièrement, dont parle la presse internationale ces derniers jours, ne sont que le dernier exemple en date de la misère dans les campagnes et les villes, frappant encore plus sensiblement les derniers ayant accès à l’eau, notamment les Dalits (ou Intouchables) et les migrantEs internes.
Offensives et ripostes
À l’annonce des résultats, le siège du Parti communiste d’Inde à Begusarai au Bihar était attaqué par des partisans de Modi. Ce vieux parti stalinien lié à l’URSS et à la remorque du Congrès durant des décennies, présentait dans cette circonscription Kanhaiya Kumar, leader étudiant assez connu car poursuivi pour sédition comme élément « antinational ». Largement battu à ces élections, il était toujours de trop. Comme bien d’autres dans la société rêvée de l’extrême droite hindouiste. Et l’ensemble des ennemis des hautes castes sont pris pour cibles depuis des années, leurs soutiens poursuivis jusque dans les universités, espaces auparavant relativement protégés d’un État arbitraire. Mais personne ne se laisse faire.
Prison des peuples et des minorités, l’Inde de Modi est, aussi, un espace dans lequel se développent des corridors industriels groupant de plus en plus de travailleurEs n’ayant d’autres choix pour défendre leurs intérêts que celui de la confrontation avec les capitalistes et leur État. Remplaçant le parti du Congrès pour devenir le principal parti de la bourgeoisie, le BJP sème terreurs et divisions dans la classe ouvrière d’Inde. C’est pourtant elle qui pourrait permettre à l’ensemble de la société du sous-continent indien d’emprunter une autre voie, une voie dessinée dans les luttes sociales agitant fréquemment zones industrielles et secteurs plus dispersés, ces dernières années.
Kris Miclos