Dans la nuit du 4 au 5 avril, les forces de police israéliennes ont violemment pénétré dans la mosquée al-Aqsa à Jérusalem, frappant et arrêtant des centaines de PalestinienEs musulmans en plein ramadan. Entretien avec avec Jalal Abukhater, écrivain palestinien résidant à Jérusalem.
La situation était relativement calme dans la vieille ville depuis le début du ramadan [22 mars]. Pourquoi les forces israéliennes ont-elles attaqué ?
Les gens se sont rendus à Al-Aqsa pour une retraite spirituelle de mardi soir à mercredi matin [4 au 5 avril] — une pratique spirituelle courante pendant le ramadan, appelée i’tikaf. Mais mercredi est aussi le premier jour de Passover-Pessa’h, et les PalestinienEs voulaient être présents à al-Aqsa au moment où un grand nombre de fidèles juifs devaient entrer dans l’enceinte.
La nuit dernière, les forces israéliennes ont voulu montrer à tout le monde qu’elles contrôlaient la situation. Les tensions ont augmenté avec les colons juifs, en particulier le mouvement du Mont du Temple, qui prévoyaient de faire un sacrifice [animal] à al-Aqsa. La police s’y est opposée et a même procédé à des arrestations préventives contre certains juifs partisans de la ligne dure.
Contrairement aux années précédentes, la police n’a pas tenté de restreindre autant l’accès aux prières musulmanes. Mais elle est également déterminée à nous montrer que c’est elle qui nous permet de prier. S’ils décident du jour au lendemain que quelque chose est interdit, ils viendront et expulseront les gens d’al-Aqsa. C’est une démonstration de force et de domination.
Je tiens cependant à dire que j’ai été témoin d’une atmosphère étonnante à Jérusalem au cours des dix derniers jours. Tout le monde s’accordait à dire qu’à la porte de Damas, les PalestinienEs étaient plus festifs les soirs où la police était occupée à Jérusalem-Ouest avec des manifestantEs [contre Netanyahou]. Ainsi, lorsque les IsraélienEs manifestaient, nous avions un ramadan très joyeux.
Comment les choses ont-elles changé à Jérusalem depuis que le nouveau gouvernement israélien a prêté serment fin décembre 2022 ?
Il y a une chose sur laquelle nous sommes tous d’accord : Jérusalem souffre depuis des décennies de politiques qui visent la présence palestinienne dans la ville, avec l’expansion des colonies, l’absence de permis de construire, l’étouffement et le confinement de nos espaces de vie.
Le nouveau gouvernement veut exacerber tout cela et se montrer encore plus brutal et sans ménagement par rapports aux précédents gouvernements. Nous avons le sentiment d’être attaquéEs sur plusieurs fronts : ils veulent changer la réalité d’al-Aqsa ; ils veulent intensifier les démolitions alors que nous n’avons nulle part où aller ou construire ; et nous sommes confrontéEs à davantage d’hostilité et de violence à mesure que le temps passe. Cette tendance s’est accentuée ces dernières années, mais sous le nouveau gouvernement, elle atteint son paroxysme.
Nous le voyons particulièrement avec Itamar Ben Gvir qui, depuis janvier 2023, est déterminé à accélérer les démolitions de maisons palestiniennes dans la ville. Ben Gvir a affirmé que ce serait une réponse à des « attaques terroristes », mais les familles dont les maisons ont été démolies n’ont été impliquées dans aucune attaque — elles vivent simplement dans des maisons qu’Israël considère comme des constructions illégales, parce qu’elles n’ont pas reçu de permis de construire. À Jérusalem, on estime qu’un tiers des PalestinienEs — environ 100 000 personnes — vivent dans des structures construites sans permis.
Itamar Ben Gvir utilise le prétexte du « terrorisme » pour intensifier cette campagne. Il a voulu l’aggraver également pendant le Ramadan, ce qui signifie que les gens perdent actuellement leurs maisons et sont jetéEs dans la rue. Il est l’homme qui dirige la police. Il a récemment obtenu de disposer de sa propre milice privée, qui opérera contre les PalestinienEs en Galilée, dans le Néguev et à Jérusalem.
Ce sera une version militarisée de la police — mais ici à Jérusalem, nous avons déjà une version militarisée de la police. Ben Gvir veut simplement avoir plus de déclinaisons [des forces de police] pour combattre la présence palestinienne dans la ville.
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