Publié le Mercredi 9 octobre 2013 à 11h06.

Italie : Après Berlusconi, les luttes

Avec la récupération des corps des émigrants disparus dans l’immense tragédie de Lampedusa, le terrible décompte n’est pas encore terminé...Ce massacre de dimension énorme a secoué tout le pays et la conscience de millions de personnes, contraignant les dirigeants italiens à un honteux concours d’hypocrisie, parce que ce sont eux - dirigeants du centre droit ou du centre gauche - qui sont directement responsables et coupables. L’actuel président de la République Napolitano était ministre de l’intérieur quand fut décidée en Italie en 1997 la détention administrative pour les émigrants, assimilant l’émigration clandestine à un délit, renforcée par la suite par le centre droit avec la loi Bossi-Fini, actuellement en vigueur, qui assimile à de vils criminels ceux qui portent secours en mer. Sans parler de la Ligue du Nord et de tous ceux qui ont alimenté et qui alimentent les pires racismes dans l’objectif de diviser les travailleurs et de les exploiter au maximum.

Ne sont pas moins responsables ceux qui ont construit la « forteresse Europe » et qui financent de couteux projets sécuritaires comme le Frontex, qui ne servent qu’à financer les polices de l’autre bord, celles qui cherchent à réprimer les révolutions en cours. Ce sont ces mêmes règlements qui, comme l’ont dénoncé les pêcheurs qui ont sauvé la plus grande partie des survivants, ont scandaleusement retardé les opérations de secours des gardes côtes, empêchant de sauver d’autres vies. La mer méditerranée, la mer de l’Odyssée, est devenue un immense cimetière dans lequel se reflète toute la barbarie de l’Europe et du capitalisme.

Ultime manœuvre ?

Cette véritable tragédie humaine et sociale a repoussé au second plan la sordide comédie qui s’est jouée les jours précédents avec l’initiative de Berlusconi, condamné de façon définitive pour une malversation (commise parmi tant d’autres) et ce à la veille de sa déchéance de sénateur. Une manœuvre pour faire tomber le gouvernement, cherchant pour la énième fois à se sauver et à se relancer avec de nouvelles élections.

Cette manœuvre n’a pas réussi parce que les forces de la bourgeoisie, en étroite collaboration avec leurs homologues européens, plus que jamais désireuses d’un cadre stable de gouvernement pour faire avancer les lois sur les restrictions fiscales et promulguer une loi de stabilité cohérente avec les politiques d’austérité, ont réussi pour la première fois à obliger les dirigeants et les parlementaires du PDL à dissocier leurs positions politiques et leur destin personnel des choix du chef. C’est ainsi que Berlusconi a du se résoudre à confirmer le gouvernement de Letta et tenter de cacher une défaite qui accélère sa chute.

Cette victoire conforte donc un gouvernement d’unité nationale bourgeois, c’est-à-dire la classe dominante qui, par l’intermédiaire de la Confidustria (le syndicat patronal) a déjà présenté ses exigences pour la loi de finance : dégrèvements fiscaux supplémentaires, autrement dit cadeaux aux entreprises et nouvelles coupures dans les dépenses publiques, c’est-à-dire dans les services sociaux, exigences signées aussi dans un texte conjoint par les dirigeants syndicaux… Comme si patrons et travailleurs avaient les mêmes intérêts !

Urgence pour la classe ouvrière

Tout ceci arrive dans une situation économique et sociale difficile pour la classe ouvrière. Depuis le début de la crise, le PIB est tombé de 8%. Rien qu’en 2013 le nombre de personnes en difficulté a augmenté de 2 millions. Il y a en Italie environ 8 à 9 millions de pauvres et plus de trois millions de chômeurs, soit près de 12% de la population active. Pour les jeunes ce pourcentage atteint le record historique de plus de 40%. Et il faut ajouter les 3 millions de travailleurs qui ont un emploi précaire. Il n’y a rien de fatal dans ces données, elles sont le résultat des mesures et des choix économiques qui ont créé cette énorme armée de chômeurs et de précaires, et l’écroulement du pouvoir d’achat des familles (-4,7% rien que pour l’année dernière).

Comme l’a écrit dans un tract mon organisation Sinistra Anticapitalista (Gauche anticapitaliste), pour réagir et « pour défendre les conditions de vie et de travail, il n’y a pas d’autre voie que de revenir à la lutte et aux grèves, comme on le faisait jadis, même si c’est difficile, même si certains pensent, et ils se trompent, que tout est inutile. Rien n’est impossible parce que la classe ouvrière constitue la grande majorité du pays », pour la mobilisation des travailleurs italiens et émigrants, des précaires, des jeunes, et des associations sociales.

Pour cela, face à la honteuse collaboration de classe des syndicats majoritaires, il faut soutenir la grève générale décidée par les syndicalistes de base le 18 octobre pour la défense des salaires, du travail et des droits, et participer aux manifestations à Rome et à Milan. C’est sera la meilleure préparation à la manifestation nationale des associations sociales, pour le logement et la défense des territoires, qui se tiendra à Rome le lendemain, le 19 octobre.

De Rome, Franco Turigliatto

(Traduction LM)