Les prédictions et les espoirs des employeurs italiens et de la puissante technocratie européenne ont été très déçus par les résultats des élections des 24 et 25 février. Toute la classe dirigeante voulait la formation d'un gouvernement d'alliance de centre-gauche avec les partis du centre, c’est à dire un gouvernement du Parti démocratique de Pierluigi Bersani fortement influencé par Mario Monti, l'homme de la troïka européenne en Italie. Raté !Combiné avec les effets pervers d'une loi électorale antidémocratique cette fois contre-productive pour la bourgeoisie, l’exploit du Mouvement 5 étoiles (M5S) de Beppe Grillo a rendu impossible l'issue tant espérée par les classes dirigeantes et propagée par les grands médias. Aujourd'hui, la situation politique italienne est dans l'impasse, et plusieurs commentateurs craignent une crise institutionnelle incontrôlable. Aucun des hommes politiques n'est aujourd'hui en mesure de proposer une solution pour éviter une aggravation de la situation et aucune des différentes propositions (gouvernement PD-Monti avec la demande d'un soutien extérieur du M5S, gouvernement d'union nationale avec tous les partis sans M5S, un nouveau gouvernement dit « technique », etc.) ne semble viable dans la pratique. À la mi-mai se termine les sept ans du mandat du président de la République Giorgio Napolitano. Une question qui n'est pas sans importance, car la Constitution italienne confie au Président la nomination du Premier ministre…Rejet massif de politiques… qui continuent à s'appliquer !Cette nouvelle situation ne résout rien et l'austérité continuent sans aucune résistance réelle dans les profondeurs de la société italienne. Le chômage continue d'augmenter : en 2012 il a atteint 11,2 %, et touche 40 % des jeunes, 50 % dans le Sud. Chaque jour, de nouvelles usines ferment leurs portes ou réduisent de manière drastique l’emploi. Par ailleurs, la lourde réforme des retraites approuvée en décembre 2011 signifie que, pendant quelques années, peu de travailleurs prendront leur retraite, ce qui prive les jeunes de possibilités de trouver un emploi. L’exploitation augmente et la pauvreté est en train d'infecter l'ensemble de la société : les statistiques estiment que près de deux tiers des ménages ont du mal à équilibrer leurs comptes tous les mois. Après l'annulation de l'interdiction de licenciement sans juste cause (le fameux article 18), les attaques contre le droit du travail sèment la peur dans les usines et commencent déjà à affecter le taux de syndicalisation.Sans aucun gouvernement formellement établi, les politiques mises en œuvre au cours de la dernière année continuent, comme la coupe des budgets des hôpitaux ou la privatisation des services publics. Sans parler de la réduction envisagée de dizaines de milliers de postes publics et le blocage des salaires pour les trois millions et demi de fonctionnaires.Centré sur son combat contre la « caste » des politiciens, le M5S de Beppe Grillo semble tout à fait insuffisant pour jouer un rôle dans l'organisation d'une opposition de masse à ces politiques. Sur certains points comme sur les pensions ou les fonctionnaires, il a au contraire une position qui critique sur sa droite la ligne du gouvernement sortant… Après dix années de politiques désastreuses, la gauche ne semble pas être en mesure de parler au pays. Il faut travailler à construire un grand mouvement unitaire contre la crise, ses effets et les solutions que veut imposer la troïka.Fabrizio Burattini (Sinistra critica, Italie)
Crédit Photo
T. Blondin