Publié le Vendredi 4 mai 2012 à 09h30.

La crise dans l’État espagnol

Une crise... du modèle Elle est particulièrement grave pour des raisons structurelles : la faiblesse de l'industrie, la nature fondamentalement parasitaire de la bourgeoisie espagnole, le poids important du secteur immobilier, du bâtiment et de la finance... Ces déséquilibres ne sont pas tombés du ciel. Ils sont le résultat de la fuite en avant des élites depuis la crise des années 1970. L'intégration de l'Espagne dans l'Union européenne a accéléré la désindustrialisation et le développement du tourisme, ce qui explique une balance commerciale négative et un transfert permanent des valeurs vers les centres économiques européens. Pendant de nombreuses années, ces contradictions ont été compensées grâce aux fonds structurels de l'UE (qui ont stimulé des investissements pharaoniques en infrastructures) et en particulier grâce à un crédit très bon marché, qui a gonflé le secteur immobilier et généré une énorme dynamique spéculative. C'est ainsi que, à partir de la crise de 2008, s'est effondré le modèle d'accumulation de ces 20 dernières années. Banque, dette, coupes budgétairesLa dette extérieure est, grosso modo, composée de dette privée contractée par des entreprises et des banques qui, à coup de sauvetages et de subventions, a été transformée en dette publique, constituant ainsi le prétexte pour liquider un État providence des plus faibles et incomplets d'Europe. Le nouveau gouvernement du Partido popular (PP) a entamé une guerre sociale pour imposer la régression sociale la plus dramatique depuis la guerre civile. Baisse des salaires des fonctionnaires, fermeture d’hôpitaux et de centres éducatifs, augmentation des impôts directs et indirects pour les travailleurs, privatisations, hausse des tarifs de l'électricité, des transports, médicaments... et une réforme de la législation du travail qui permet de licencier encore plus facilement et presque gratuitement. Une réforme qui permet la destruction du système de négociation collective autour duquel s'était recomposé le mouvement ouvrier sous la dictature il y a 50 ans. Quelles conséquences ? Accélération des licenciements, généralisation de la précarité, possibilité pour les patrons de réduire les salaires de façon unilatérale dans les entreprises. Indignation et résistance... mais sans victoireLa brutalité des attaques a poussé certaines directions syndicales démoralisées et sans volonté de lutter à lancer deux appels à la grève générale : le 29 septembre 2010 et le 29 mars dernier. La première avait été trahie par les directions de CCOO et UGT qui avaient alors signé l'allongement du départ à la retraite avec le gouvernement Zapatero. C'est ce qui avait généré la colère qui explique l'explosion du mouvement des IndignEés : indignation contre les capitalistes, contre les deux grands partis (PP et PSOE), contre une « démocratie » vendue aux banquiers, mais aussi contre des directions syndicales qui avaient trahi les objectifs de la grève générale. Le calendrier des coupes budgétaires du gouvernement PP et sa réforme de la législation du travail ont conduit à la grève du 29 mars, la plus importante et la plus massive depuis 1994. Mais à nouveau le manque de volonté des directions syndicales de mener un combat soutenu et de longue haleine est en train de créer une nouvelle impasse. Peut-être que les dynamiques des IndignéEs prendront le relais... Ce qui ne fait aucun doute, c'est que nous avons un grand besoin de victoires pour éviter la démoralisation populaire face à la brutalité des attaques actuelles et à venir. Ce ne sont pas seulement les droits sociaux les plus élémentaires qui sont en jeu mais aussi l'avenir même de la démocratie ainsi que la survie des organisations syndicales et politiques de la classe ouvrière.

Andreu Coll – Izquierda alternativa. Traduction : Liliane Guardiola