Presque tous les députéEs hongkongais d’opposition (soit 19 sur 21) ont démissionné, après que le gouvernement a destitué quatre de leurs collègues sous l’accusation de « violation de leur serment » ainsi que de non-respect de la souveraineté de la Chine sur Hong Kong.
Cette situation fait suite à la décision du gouvernement, au mois d’août, de prolonger d’au moins un an le mandat des députés sortants. Son but était de ne plus être obligé d’organiser de nouvelles élections le 6 septembre. Il évitait ainsi de subir une nouvelle défaite cuisante, faisant suite à celle de novembre 2019, lors des élections locales.
Épuration en cours
À l’avenir, le gouvernement veut que les HongkongaisEs vivant en Chine continentale puissent désormais voter, tout en continuant de refuser ce droit à celles et ceux vivant à l’étranger. Le gouvernement veut ainsi que les élections ultérieures renforcent encore davantage le contrôle de Pékin.
Une grande épuration est en cours. Secteur après secteur, opposantEs, jeunes manifestantEs, universitaires, enseignantEs, fonctionnaires… sont victimes d’accusations les plus stupides. Il est actuellement impossible de lancer une quelconque mobilisation car, invoquant la pandémie, le gouvernement interdit tout rassemblement public.
Dans ces conditions, de nombreuses personnes, en particulier des jeunes, se tournent une fois de plus vers la « tactique de la terre brûlée » de l’année dernière, symbolisée par le slogan « si nous brûlons, vous brûlerez avec nous ».
En août, seuls deux députés avaient refusé la prolongation de leur mandat et avaient démissionné au motif qu’ils tenaient leur mandat des électeurEs et non du gouvernement. Celles et ceux qui sont restés ont ensuite essuyé continuellement de vives critiques des courants radicaux. C’est la raison principale pour laquelle ces députéEs ont finalement démissionné cette fois-ci, après que quatre de leurs collègues ont été destitués : très discrédités, les modéréEs (pan-démocrates) espèrent ainsi sauvegarder le peu de crédit qu’il leur reste.
Rapport de forces asymétrique
Les radicaux prônant la « tactique de la terre brûlée » n’ont pas proposé d’alternative aux interrogations suivantes :
- 1. Sans une opposition importante au Conseil législatif, le gouvernement peut adopter n’importe quelle loi réactionnaire. Comment maintenant bloquer celles-ci, ou au moins voter contre afin de montrer au monde que l’opposition représente la voix du peuple et non celle de Pékin ?
- 2. Le statut de députéE confère certains droits de contrôle sur le pouvoir exécutif et les institutions. Dans le cadre de la répression actuelle, ce statut est un outil important pour protéger celles et ceux qui résistent. Avec la disparition de l’opposition parlementaire, comment défendre les participantEs aux luttes ?
Depuis l’année dernière, la résistance à la politique du pouvoir a reposé sur un grand enthousiasme pour défendre l’autonomie de Hong Kong. Ce mouvement passionné a cependant été mené par une population qui a peu d’expérience politique en matière de lutte contre le despotisme. Pendant des années, beaucoup pensaient en effet à tort que « nous sommes la poule aux œufs d’or du régime de Pékin, et celui-ci nous traitera bien ».
Lorsque la répression s’est renforcée, beaucoup de jeunes radicaux ont pensé que leur seule tactique était celle de la « terre brûlée ». L’inconvénient de cette tactique est qu’elle ne laisse souvent aucune place à un véritable débat, un phénomène déjà bien visible lors de la révolte de l’année dernière.
Ce qui est triste c’est que, dans les conditions actuelles, même avec la meilleure tactique et la meilleure stratégie, les habitantEs de Hong Kong sont condamnés à court terme à subir la répression : le rapport de forces est en effet trop asymétrique. La démission de presque touTEs les députéEs pan-démocrates présente cependant un avantage : elle peut attirer l’attention des peuples du monde entier et faciliter leur soutien.
Traduit et adapté de l’anglais par Dominique Lerouge