Publié le Mardi 20 octobre 2020 à 12h47.

Le mouvement ouvrier étatsunien ouvre des discussions sur la résistance à un coup d’État

Dans le mouvement ouvrier US, les responsables syndicaux et les travailleurEs ont commencé à discuter de la manière de résister à Donald Trump s'il refusait un transfert pacifique du pouvoir. Certains syndicats parlent franchement de la façon de résister à ce qu'ils craignent d'être un « coup d’État ».

C'est une situation extraordinaire. La plupart des syndicats ne se sont pratiquement jamais exprimés de cette façon auparavant. Mais le refus de Trump de dire qu'il accepterait les résultats de l'élection, son appel pour que ses partisans interviennent dans les bureaux de vote, et le récent complot d’extrême droite visant à kidnapper Gretchen Whitmer, la gouverneure du Michigan, et à renverser le gouvernement de cet État, nous ont tous alertés.

« Inébranlables dans la défense de notre démocratie »

Le 25 septembre, Richard Trumka, président de l'AFL-CIO, qui représente 12,5 millions de travailleurEs dans diverses branches, a publié une déclaration ferme : « Le mouvement syndical ne permettra tout simplement aucune violation de la Constitution américaine ou tout autre effort visant à nier la volonté du peuple. […] Les travailleurs américains continueront d’être inébranlables dans la défense de notre démocratie face aux singeries du président Trump, et nous sommes prêts à faire notre part pour que sa défaite à cette élection soit suivie de sa destitution. »
 

Le Conseil du travail de la ville de Rochester (une des 500 structures locales de l’AFL-CIO) a adopté une résolution déclarant que « le Conseil du travail AFL-CIO de Rochester appelle la confédération nationale AFL-CIO, tous ses syndicats affiliés et toutes les autres organisations syndicales des États-Unis d'Amérique à se préparer et à appeler à une grève générale de tous les travailleurs, si nécessaire pour assurer une transition pacifique du pouvoir conformément à la Constitution à la suite de l’élection présidentielle de 2020. »

« Si nécessaire, nous arrêterons le pays »

L’association des enseignants de Seattle a adopté une résolution déclarant qu'en cas d'ingérence dans les élections fédérales, elle convoquerait dans un délai d'une semaine des réunions spéciales de ses organes de direction pour recommander des « actions » devant être soumises au vote des membres.
 

Le syndicat des postiers de Detroit a recommandé à ses adhérentEs de se préparer à résister à un « coup d’État » et a distribué un tract à ses membres les appelant à prendre l’engagement qui suit : « Nous voterons. Nous refuserons d'accepter les résultats des élections tant que tous les votes n'auront pas été comptés. Nous descendrons dans la rue sans violence si un coup d'État est tenté. Si nécessaire, nous arrêterons le pays pour protéger l'intégrité du processus démocratique. »
 

Divers syndicats et organisations syndicales régionales ont adopté de telles positions. Certains syndicats nationaux tels que le Syndicat des employés des services et celui des Travailleurs de la communication sont affiliés à une vaste coalition d'ONG et de mouvements sociaux appelée « Protect the Results », qui prévoit d’organiser des actions pour protéger le vote et probablement ce qui vient après.

Vers une grève générale politique ?

Lorsqu'il y a eu des grèves massives aux États-Unis, comme le soulèvement ouvrier des années 1930, la vague de grèves de l'après-Seconde Guerre mondiale de 1944 à 1949 ou le remarquable bouleversement de 1970, elles avaient un caractère fondamentalement économique et non politique. Les États-Unis n'ont jamais eu de grève générale nationale et rarement une grève générale à l'échelle d’une ville comme la grève générale de Seattle de 1919 ou la grève générale d'Oakland de 1946.
 

Il n'y a pratiquement aucun passé de grèves politiques aux États-Unis. Au XXe siècle, on peut les compter sur les doigts d'une main : la résistance des mineurs en 1943 à la « trêve sociale » acceptée par les confédérations syndicales pour la durée de la guerre, la grève des mineurs de Virginie-Occidentale de 1969 pour obtenir l’indemnisation des effets de la silicose, et peu d'autres. L'exception à cela est le syndicat des dockers et de la manutention portuaire (ILWU) qui mène des grèves politiques depuis des années : contre la guerre contre le Vietnam, contre le régime d'apartheid sud-africain et une grève le 19 juin en solidarité avec les manifestations contre le meurtre de George Floyd. Le cas de l’ILWU montre la possibilité de tells actions.
 

Si Trump refuse un transfert pacifique du pouvoir en cas de victoire de Biden, les mouvements sociaux organiseront probablement des manifestations, mais ce sont les syndicats et les travailleurEs qui pourraient jouer un rôle clé.

Traduction Henri Wilno