Publié le Mercredi 13 juillet 2022 à 12h00.

L’été commence avec des fusillades et des manifestations de masse aux USA

Retour sur la journée du 4 juillet dernier aux États-Unis.

Aux États-Unis, l’été commence le 4 juillet, jour de l’Indépendance (le 4 Juillet 1776 est la date de la proclamation de leur indépendance, face à la Grande-Bretagne, par les 13 colonies, noyau originel des États-Unis), avec des défilés patriotiques célébrant « le pays de la liberté et la patrie des braves », des bières et des barbecues dans les arrière-cours et des feux d’artifice partout. La télévision diffuse le concours Nathan’s Coney Island de mangeurs de hot-dogs – le record est de 76 hot-dogs en 10 minutes, détenu par Joey Chestnut qui a encore gagné cette année. Avec la fin de l’année scolaire, un week-end de trois jours et le début des vacances pour certains, la journée est généralement placée sous le signe de la fête. Mais pas cette année.

Manifestations de femmes

À Highland Park, dans l’Illinois, une banlieue de Chicago, un jeune homme de 21 ans, Robert E. Crimo, installé dans une tour, a tiré 83 coups de feu avec un fusil semi-automatique lors du défilé du 4 juillet, tuant sept personnes et en blessant 46. C’est la pire d’une douzaine de fusillades de masse survenues aux États-Unis le jour de l’Indépendance. On sait que le Congrès a refusé d’interdire les armes de type militaire et que la Cour suprême a récemment invalidé certaines réglementations limitant le port des armes à feu.

Dans d’autres villes du pays – Los Angeles, San Francisco, Saint-Louis, Chicago, Atlanta et New York, entre autres –, les défilés du 4 Juillet pendant la journée et les feux d’artifice de la soirée ont été interrompus par des centaines, voire des milliers de femmes défilant pour le droit à l’avortement. De nombreuses femmes interrogées par les médias ont dit la même chose : « Le 4 Juillet est une célébration de la liberté. Mais la décision de la Cour suprême sur l’avortement nous a rendues moins libres, nous les femmes. »

Les NoirEs, qui ont toujours remis en question l’idée qu’ils vivaient dans le « pays de la liberté », n’ont jamais pleinement partagé les célébrations du 4 Juillet puisque la Révolution de 1776 et la Constitution de 1787 ne les ont pas libérés. Certains NoirEs ont célébré, le 19 juin, le Juneteenth, dont le président Joe Biden a fait un jour férié fédéral l’année dernière. Ce jour férié rappelle le 19 juin 1865, après la fin de la guerre de Sécession, lorsque le général Gordon Granger de l’armée US a proclamé la liberté des esclaves du Texas, un événement célébré depuis lors à Houston, au Texas, et dans d’autres régions. On pourrait dire que le 19 Juin a été pour beaucoup de NoirEs leur 4 Juillet.

Mobilisations antiracistes

Dans de nombreuses villes, des militantEs noirs ont protesté le 4 juillet contre le racisme des blancs. Des étudiantEs en droit noirs ont organisé un sit-in de huit heures devant la Cour suprême. Parmi eux, Amy Yeboah, professeure à l’université Howard, a déclaré : « Nous honorons les femmes noires – les vies qui ont été perdues à cause des violences policières – mais aussi le fait que l’Amérique ferme les yeux sur les injustices dont sont victimes les femmes noires. »

À Chicago, Michael Ben Yosef a participé à l’organisation de manifestations contre les violences policières : « L’indépendance des personnes de couleur ne fait pas partie de nos vies. Nous sommes constamment harcelés, voire assassinés, à cause des violences policières dans tout le pays. Le concept de liberté ne semble pas être arrivé jusqu’à nos portes, même si nous sommes ici depuis 400 ans », a-t-il déclaré. « Nous considérons comme une abomination de célébrer tout ce qui vient avec le 4 Juillet ».

Les Noirs de Brooklyn ont défilé et se sont rassemblés, avec le slogan « Affronter le 4 Juillet ». Joe Macellaro, l’un des organisateurs, a demandé : « Que signifie le 4 Juillet pour les gens qui sont encore opprimés, marginalisés – qui n’ont pas toutes les libertés que nous sommes censés avoir dans ce pays ? »

Dans le Dakota du Sud, le peuple autochtone Oglala Lakota a protesté contre la visite le 4 juillet de l’ancien président Donald Trump au mont Rushmore, le site touristique où ont été sculptées les effigies de quatre anciens présidents – George Washington, Thomas Jefferson, Theodore Roosevelt et Abraham Lincoln. La montagne, sacrée pour le peuple Lakota, a dû être partiellement démolie pour sculpter ces effigies. M. Trump, qui a soutenu le passage du gazoduc XL sur les terres des Lakota, a proposé que sa tête y soit ciselée avec les autres. Il n’est donc pas surprenant que les Lakota et leurs soutiens aient bloqué une grande autoroute pour empêcher la visite de Trump.

Le 4 Juillet ne pourra être une véritable fête que lorsque touTEs les ÉtatsunienEs partageront réellement la paix et la liberté que le pays proclame. Jusqu’à que ce soit le cas, ce sera aussi une journée de protestation.

Traduction Henri Wilno