Publié le Mercredi 9 décembre 2020 à 10h23.

L'héritage de Trump dans la politique étrangère des États-Unis

Lorsqu’il est devenu président, Donald Trump a rompu avec 70 ans de politique étrangère américaine d’après-guerre.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement des États-Unis a assumé les rôles d’organisateur du capitalisme mondial, de chef politique du bloc capitaliste contre l’Union soviétique et le bloc communiste, ainsi que de superpuissance militaire avec la capacité de faire appliquer ses politiques. Tout cela était basé sur un partenariat avec l’Europe occidentale et le Japon et la subordination des nations d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie. Alors que le système US s’effritait depuis des décennies, lorsque Trump a pris ses fonctions, il a adopté une approche complètement différente, non moins impérialiste, mais avec une méthode nouvelle.

Rupture avec les politiques US

Trump a promis à sa base qu’il éviterait de se lancer dans des guerres étrangères pour effectuer des changements de régime, et qu’il « rendrait sa grandeur à l’Amérique » en s’attaquant à ses ennemis. Trump a rompu avec les alliés d’Europe occidentale. Il a menacé de quitter l’Otan. Il s’est retiré du partenariat transpacifique1. Il s’est retiré de l’Accord de Paris sur le climat ainsi que du conseil des droits de l’homme de l’ONU. Il a retiré les États-Unis de l’accord avec l’Iran. Et il a ensuite quitté l’Organisation mondiale de la santé. Trump a construit des sections d’un mur à la frontière américano-mexicaine pour bloquer les immigrantEs latinos, interdit les immigrantEs des pays musulmans, tout en imposant des droits de douane sur les produits chinois.

Trump a rompu avec les résolutions des Nations unies et reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël tandis que son secrétaire d’État visitait les colonies israéliennes dans les territoires occupés. Trump a réimposé les interdictions de voyager à Cuba mais est devenu le premier président US à rencontrer le chef de la Corée du Nord. Trump a félicité les dirigeants autoritaires tels que Vladimir Poutine de Russie, Xi Jinping de Chine et Narendra Modi de l’Inde. Ces actions ont représenté une rupture avec les politiques US traditionnelles. Et bon nombre d’entre elles n’ont pas permis d’apporter des gains significatifs aux États-Unis. Aujourd’hui, dans les derniers jours de sa présidence, alors qu’il avait déjà retiré l’essentiel du contingent en Syrie, il a ordonné un retrait des troupes US d’Afghanistan et de Somalie.

Reconstruire un mouvement antiguerre

Joseph Biden, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, veut revenir aux arrangements traditionnels d’après-Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement à l’époque du président Barack Obama, sous laquelle il a exercé les fonctions de vice-président. Biden veut rétablir le partenariat avec l’Europe occidentale et contenir la puissance économique croissante de la Chine. C’est une tâche rendue encore plus difficile par la récente négociation par la Chine d’un pacte commercial avec l’Australie, le Japon, la Corée du Sud, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Thaïlande, le Vietnam et d’autres pays de la zone Pacifique. Au Moyen-Orient, Trump avait ordonné en janvier 2020 l’élimination du général iranien Qassem Soleimani. Ces derniers jours, le meurtre par Israël du principal scientifique nucléaire iranien, probablement approuvé par Trump, a renforcé la possibilité d’une guerre régionale. Biden, comme Trump, voudra maintenir des relations étroites avec Israël, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, tout en essayant de contenir l’Iran et en utilisant la possibilité d’un retour dans l’accord sur le nucléaire pour obtenir le maximum de concessions de la part des Iraniens.

Biden dit que « les États-Unis sont de retour et prêts à diriger. » Sans être particulièrement belliciste, Biden a soutenu la guerre en Irak de George W. Bush, bien qu’il ait émis des réserves sur l’Afghanistan. Biden est absolument attaché à la domination US sur les affaires mondiales et aux actions armées nécessaires pour y parvenir. Comme Obama, Biden tentera probablement d’utiliser des actions militaires limitées et des drones pour réaliser ses objectifs. Mais il ne faut pas oublier que les États-Unis ont toujours leur système de commandement de combat, divisant le monde en 11 régions, et que dans ces régions, les États-Unis maintiennent 800 bases militaires et l’armée la plus puissante du monde.
Depuis l’élection d’Obama, qui se présentait comme le candidat de la paix en 2008, les États-Unis n’ont pas connu de mouvement antiguerre. La gauche s’est concentrée sur les problèmes intérieurs et la situation actuelle – pandémie et dépression économique – fait qu’il est probable que les problèmes intérieurs resteront au premier plan. Cependant, la gauche devra reconstruire un mouvement antiguerre pour résister à Biden et lutter contre l’impérialisme US, le militarisme et les interventions militaires quand elles se produiront.

Traduction Henri Wilno

  • 1. Traité multilatéral de libre-échange visant à intégrer les économies d’Asie-Pacifique et d’Amérique.