L'intervention militaire de la France, et d’autres puissances, en Libye pourrait produire d’autres résultats que ceux initialement escomptés. Aux dernières nouvelles, il n’était ainsi plus vraiment assuré qu’elle finisse par conduire à la chute du régime de Muammar al-Kadhafi et à la destruction de ce dernier. A titre de symptôme, le magazine souverainiste (donc, nationaliste français) «Marianne» se demandait-il, le 21 juillet 2011, dans sa newsletter:«Kadhafi a-t-il gagné la bataille de Libye?» La veille, le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, avait-il estimé devant des journalistes que «les rebelles (libyens) ne peuvent pas aller jusqu’à Tripoli», n’ayant selon lui pas les forces nécessaires pour envisager une prise de pouvoir dans la capitale libyenne. Jusqu’ici, selon les planifications politico-militaires, ils étaient censés renverser le régime en place.
Pour la fête nationale française, le président Sarkozy aurait aimé parler d’autre chose que de la mort de soldats français en Afghanistan, intervenue quelques jours avant ce 14-Juillet. A tout prix, selon ce qu’il faisait comprendre à son entourage, il aurait voulu qu’on célèbre en ce jour-là un triomphe militaire français en Libye: la reddition ou la mort (sous les bombes) du vieux colonel Kadhafi. Celui-ci, au pouvoir depuis le 1er septembre 1969, est cependant suffisamment expérimenté pour déjouer un certain nombre de plans bâtis sur la Comète.
L’intervention militaire essentiellement franco-britannique, déclenchée le 19 mars dernier, ne marche vraiment pas comme elle aurait dû se dérouler… selon ceux qui avaient décidé de la lancer. A l’époque, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères de Sarkozy (au début plus sceptique que son maître quant à cette intervention), avait assuré qu’elle allait durer «des jours ou des semaines, mais certainement pas des mois». Nous voilà à quatre mois, déjà, de durée des opérations.
Les décideurs avaient éventuellement sous-estimé la base sociale qui reste, dans certaines parties du pays ou certains groupes de population, fidèle au régime de Kadhafi. Surtout, au lieu de se rétrécir - alors que des manifestations contre la dictature s’étaient déroulées jusque dans des quartiers de la capitale Tripoli, en février -, elle s’est ressoudée autour de lui. Alors que l’opposition civile, une fois que le conflit politique s’était transformé en guerre civile puis celle-ci en guerre conduite de l’extérieur, s’est retirée de la scène publique. Les bombardements ne la renforcent pas, ils l’affaiblissent plutôt.
A l’heure des déceptions qui deviennent visibles, certains des décideurs politiques semblent même modifier leurs plans, en vue d’un éventuel arrangement avec la dictature. Ainsi, le 10 juillet, le ministre de guerre sarkozyste, Longuet, avait-il précisé qu’il se contenterait - comme but politique de l’intervention - que Kadhafi soit «dans une autre pièce de son palais avec un autre titre». Il est probable que des négociations, portant éventuellement sur un partage du pouvoir entre une partie du régime et certains dirigeants rebelles actuels?, soient déjà dans un stade avancé.
En attendant, la signature d’accords entre les rebelles et les puissances occidentales, portant non seulement sur le pétrole mais aussi sur le renvoi en Libye de migrants africains «indésirables» (accord entre le gouvernement italien de droite-extrême droite et le «Conseil national de transition» libyen du 16 juin), est un mauvais signe politique pour l’avenir.
Bertold du Ryon