Publié le Mercredi 22 janvier 2020 à 14h40.

Maroc : la répression s’intensifie

Les attaques contre les journalistes se multiplient, et rendent compte de la nature profondément autoritaire du régime de Mohammed VI. Dernière affaire en date : l’arrestation d’Omar Radi pour un tweet qui visait les magistrats ayant inculpé les militantEs du Hirak du Rif.

« Lahcen Talfi, juge de la cour d’appel, bourreau de nos frères, souvenons-nous bien de lui. Dans beaucoup de régimes, les petits bras comme lui sont revenus supplier après en prétendant "avoir exécuté des ordres". Ni oubli ni pardon avec ces fonctionnaires sans dignité ! » C’ est pour ces mots que le journaliste Omar Radi sera jugé pour outrage à agent le 5 mars prochain. Il avait été emprisonné le 26 décembre en prévision de son jugement. Le journaliste a été libéré le 31 décembre 2019, à la suite d’une large campagne de mobilisation. Il reste en attente de son jugement.

« Capitalisme de cour »

Au-delà de ce message en particulier, c’est bien entendu la figure d’Omar Radi qui est visée. Le journaliste avait couvert de près le mouvement populaire du Rif et ses enjeux politiques et sociaux d’une manière qui ne pouvait que déranger le régime. Il s’est également attaché à dévoiler le système de prédation économique de la monarchie marocaine – notamment sur le territoire du Rif. Système que Mohammed Oubennal et Adbellatif Zeroual nomment très justement le « capitalisme de cour ».

Cette arrestation témoigne d’un mouvement bien engagé d’intensification de la répression, qui remet en cause la façade démocratique que le régime s’est attaché à construire depuis les processus révolutionnaires de 2011, notamment par la modification de la Constitution. On peut citer les peines extrêmement dures prononcées contre les personnes ayant pris part au mouvement du Rif et les peines allant jusqu’à cinq ans de prison pour six journalistes qui avaient couvert ce mouvement. On peut penser à la condamnation de la journaliste Hajar Raissouni (qui avait également travaillé sur le Rif) et de son compagnon, officiellement pour avortement illégal. À la suite d’une forte campagne de mobilisation, tous deux ont finalement été graciés par Mohammed VI – une belle preuve de l’indépendance de la justice dans le pays. Ces cas de répression ne sont que les plus emblématiques d’un régime bel et bien autoritaire. 

Radicalisation dans la répression

La répression ne sort pas de nulle part : c’est parce que Mohammed VI se sait menacé par des souffles de mobilisation populaire qu’il se radicalise dans la répression, quitte à recourir aux méthodes de son père Hassan II, ce qui lui ferait perdre toute la légitimité acquise par la rupture démocratique qu’il prétendait incarner. Exiger la libération de touTEs les détenuEs politiques, comme le demande la campagne #FreeKoulchi (Libérez tout le monde), met le régime face à ses contradictions.

Il serait erroné d’opposer les revendications sociales aux revendications démocratiques, puisque les premières se heurtent immanquablement à la répression autoritaire. C’est parce qu’elles remettent en cause la nature profonde du régime que les revendications sociales émises par le Hirak du Rif ont été si durement réprimées. Ainsi, au Maroc, comme en Algérie, au Chili ou en France, les luttes pour la justice sociale sont aussi essentiellement des luttes pour la démocratie.

 

Article publié dans le n° 361 de solidaritéS (Suisse).