Depuis début janvier, le Mexique est secoué par une vague de manifestations populaires contre la décision prise par le gouvernement du président Pena Nieto d’augmenter brutalement, jusqu’à 20 %, les tarifs de l’essence, du gaz et de l’électricité.
Manifestations massives, coupures de routes, blocages de lignes de chemin de fer, occupation des stations d’essence et des dépôts de carburants… Dans toutes les régions du pays, des milliers, des dizaines de milliers dans certaines grandes villes, de Mexicains exigent l’annulation des décrets d’augmentation et la démission du président de la République.
Ce mouvement a tous les ingrédients pour provoquer une crise majeure dans le pays. Il mobilise à l’échelle nationale, au départ de façon complètement spontanée et explosive, des secteurs très larges de la population, dont certains se mobilisent rarement : camionneurs, taxis, travailleurs précaires, paysans… cela plus particulièrement dans le nord du pays, à la frontière avec les États-Unis, dans des régions réputées « socialement calmes ». Ainsi la voie de chemin de fer qui vient des États-Unis a été bloquée pendant six jours à Ciudad Juarez.
Un pouvoir dans la tourmente
Depuis deux semaines, le gouvernement n’arrive pas à contenir ce mouvement. Le discours hypocrite de Pena Nieto prétendait les hausses inévitables à cause de l’évolution des prix du marché mondial, et nécessaires pour éviter de nouvelles coupures dans les budgets sociaux. Mais il n’a convaincu personne. La violente répression (au moins deux morts, des centaines de blessés, des milliers d’arrestations) et les infiltrations policières qui ont monté des provocations au pillage des magasins, n’ont pas empêché les manifestations de s’étendre et de se multiplier.
Pena Nieto et son parti, le PRI (Parti révolutionnaire institutionnel), apparaît même isolé. Les classes possédantes du Mexique s’affolent. Les partis de gouvernement, PAN et PRD, qui ont mené avec le PRI la politique ultralibérale de ces dernières années, se sont désolidarisés de lui. La confédération patronale Coparmex a refusé de signer un nouveau « pacte » avec le gouvernement. Les grands syndicats « jaunes », support traditionnels du PRI, ainsi que la conférence des évêques du Mexique, ont demandé au gouvernement d’annuler les hausses.
Des perspectives à construire
Ce mouvement est porteur d’espoirs pour tous ceux qui, au Mexique, luttent contre un régime qui mène une sanglante guerre contre les pauvres. L’ampleur de la colère populaire s’explique par les conséquences catastrophiques de ces hausses pour l’immense majorité de la population (53 % des Mexicains vivent en dessous du seuil officiel de pauvreté), mais également par tout ce que le peuple mexicain, les salariés, les paysans, les communautés indigènes, subissent depuis des années (réformes ultralibérales, corruption généralisée, expulsions, licenciements, massacres et « disparitions » sous prétexte de guerre contre les narco-trafiquants…).
Il met les mouvements sociaux anticapitalistes, associations indépendantes, syndicats démocratiques, groupes d’extrême gauche, devant une grande responsabilité : celle de tout faire pour permettre à ce mouvement de se coordonner, de trouver une structuration nationale pour tracer une perspective politique indépendante. Et notamment pour éviter sa récupération dans la perspective de l’élection présidentielle de l’année prochaine...
Fabrice Thomas