Publié le Mardi 6 octobre 2020 à 15h08.

Mobilisations de la jeunesse et mobilisations antifascistes en Grèce

7 octobre : jugement des nazis d’Aube dorée

Mercredi 7 octobre est déjà une date historique en Grèce : demain sera rendu le jugement à l’issue des longues années du procès du groupe d’assassins nazis Chryssi Avgi (Aube dorée). L’enjeu est considérable : la condamnation des 68 inculpée-e-s serait un frein aux agressions racistes et fascistes que continuent de commettre les petites frappes encore membres du groupe ou en tout cas restant persuadés qu’ils peuvent agir quasiment en toute impunité. On le constate par exemple sur l’ile de Lesbos, où les nazis ont réussi à monter des petits groupes visant à terroriser les réfugié-e-s et les militant-e-s solidaires sans que la police n’intervienne. Une condamnation du groupe comme groupe criminel serait donc une phase importante pour freiner le terrorisme d’extrême droite mais aussi pour faire peser dans la situation politique les liens anciens et actuels entre droite et fascistes en Grèce. Rien n’est donc sûr pour le jugement de demain, surtout si on se rappelle que la procureure a osé cet automne indiquer que seul le tueur du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas était un criminel, les autres, notamment toute la clique de la direction nazie, devant être innocentés !

On reviendra bien sûr au plus vite sur la décision qui sera délivrée demain, mais d’ores et déjà, on doit souligner 3 choses :

- le procès est riche d’enseignements : malgré toutes les manœuvres des inculpé-e-s, les avocats des victimes (Pavlos Fyssas, des syndicalistes, des travailleurs étrangers...) ont démonté implacablement le caractère politique des crimes commis par une organisation hiérarchisée autour du petit führer Michaloliakos.

- le mouvement anti-fasciste sous ses différentes formes a été un acteur clé de ce procès, autour de la figure émouvante et impressionnante de résolution de Magda Fyssa, mère de Pavlos, présente à toutes les séances du procès – et injuriée en son sein par les hyènes nazis. Ces derniers jours, la mobilisation s’est développée autour du mot d’ordre « Ils ne sont pas innocents, c’est une organisation criminelle, Chryssi Avgi en prison ! ». Manifs, pétitions, appels comme celui adopté par le conseil municipal d’Athènes à l’initiative des élu-e-s anticapitalistes. Demain, ce sont des milliers de manifestant-e-s qui sont attendus autour du tribunal, toute la gauche anticapitaliste et réformiste y appelle (et même le Pasok !).

- la condamnation attendue serait une victoire dans la lutte contre le fascisme multiforme en Grèce et en Europe, il ne signifierait pas pour autant la fin de cette menace : comme le rappelle le militant antifasciste Dimitris Kousouris, laissé pour mort par Chryssi Avgi en 1998, ce groupe a bénéficié de l’impunité parce qu’il était une pièce du mécanisme d’état visant à dévoyer les colères populaires sur fond d’impuissance de la gauche. Son idéologie et ses pratiques restent ancrées dans les institutions et la société et donc, quel que soit le jugement, la bataille anti-fasciste doit continuer.

Des centaines de collèges et lycées occupés

Une autre mobilisation se développe depuis une dizaine de jours : refusant d’être comme ils disent « sardinisés » dans des salles de classe trop petites, des milliers de lycéen-ne-s et collégien-ne-s ont entamé une mobilisation pour obtenir l’ouverture de salles et le recrutement de professeurs, ce que refuse avec acharnement la très réactionnaire ministre de l’Education Niki Kerameos, dont la ligne de conduite se rapproche de celle de Blanquer… en pire : ainsi, cas unique peut-être au monde en pleine pandémie, la limite du nombre d’élèves par classe vient d’être augmentée de 2 élèves et pour le primaire et pour le secondaire ! Ses cadeaux à l’enseignement privé dans une loi passée cet été sont accablants, privant les personnels de leurs droits, pendant que les propriétaires de grosses boites privées reconnaissent sans vergogne financer le parti de la droite au pouvoir. L’école publique est vue comme une dépense inutile et l’enseignement comme l’apprentissage de compétences minimum réclamées par le patronat. Avec une telle conception, le mépris de la ministre se traduit en acte vis à vis de la protection face au virus. Alors qu’il était annoncé que les élèves se verraient fournir les masques de protection, la commande publique passée par le ministère a débouché sur un résultat confondant de ridicule et d’incompétence, avec des masques bien trop grands et couvrant tout le visage ! Une seconde commande a d’ailleurs encore viré au naufrage.

Mais au-delà de la vague de blagues autour des masques gigantesques, les élèves pas dupes ont très vite réclamé des conditions d ’études conformes à la situation sanitaire : alors que les contaminations progressent très fortement ces derniers temps, ils refusent d’être entassés dans des salles trop petites (dans les villes, on trouve souvent des classes à 27 ou plus, dans des salles assez étroites), et ils réclament des cours à 15 maxi, avec le soutien des enseignants et d’une grande partie des familles, et bien sûr le recrutement de professeurs, sachant qu’il en manque des dizaines de milliers. Se heurtant à un refus total de la ministre, les élèves mobilisés ont manifesté à plusieurs reprises (jeudi dernier, des milliers dans les rues d’Athènes) et ont renoué avec une forme connue en Grèce : l’occupation des établissements. En ce début de semaine, il semble que les occupations se chiffrent à environ 700 établissements !

Face à cette situation, le pouvoir emploie les grands moyens : envoi de la police, formation de petits groupes de parents « en colère » réclamant la « liberté du travail ». Et toute une batterie de menaces contre les élèves, telle la non validation de l’année en cours, enseignement à distance pour les seuls élèves refusant l’occupation de leur établissement, avec consignes pour que les enseignants donnent les noms des rebelles. Sans oublier une campagne de presse de la part des grands médias dont on rappelle qu’ils ont été grassement financés par le pouvoir : les élèves mobilisés sont traités de voyous, le mouvement serait manipulé par des partis politiques (de gauche, ouf !), les élèves seraient contre les masques (toutes les images de manifs montrent le contraire !) et le coronavirus est facilité par les occupations (pas par l’étroitesse des salles de cours!) : un vrai festival de haine anti-jeunes.

La situation est très tendue, et si la solidarité est tout à fait nécessaire, la suite dépendra avant tout des formes de mobilisation et d’organisation dont se doteront les élèves. Des arrêts de travail ont eu lieu dans l’Education nationale et dans la fonction publique, mais il faut aller au-delà, en prenant la mesure de l’enjeu : alors que les perspectives que voudrait imposer le pouvoir, c’est de réduire une grande partie de la jeunesse au minimum éducatif, en resserrant au maximum les dépenses pour l’éducation publique, les revendications des jeunes pour le droit à une éducation de qualité – ce qui supposera peut-être de réclamer bientôt la démission de la ministre – sont porteuses d’espoir, aidons-les à gagner cette lutte !