Il devient de plus en plus clair que la question de la production future d’électricité n’est pas un dilemme mais bien un « trilemme », une question à trois réponses possibles : nucléaire, gaz ou renouvelables. Mais un tabou empêche de nommer les sources renouvelables de courant : leur rentabilité à court terme n’est pas certaine donc le secteur privé ne veut presque pas y investir. Et la dispersion des sources rendrait le système trop perméable aux pressions locales, le pouvoir du propriétaire vacillerait. Donc le choix du gouvernement se limite à choisir la bonne combinaison entre les centrales nucléaires de ENGIE-Electrabel et/ou EDF-Luminus d’un côté et les centrales à gaz appartenant aux mêmes de l’autre.
Un gouvernement incapable de décider
L’éléphant dans la pièce, dont tous nient la présence énorme, est l’arrêt de la Cour constitutionnelle1, fondé solidement sur un avis de la Cour de justice européenne, qui établit que le prolongement de la durée de vie d’un réacteur nucléaire est soumis aux traités d’Espoo et Aarhus2, c’est-à-dire qu’il doit faire l’objet d’une enquête publique.
Le jugement, très tardif, concerne uniquement [les réacteurs] Doel 1 et 2. Les associations antinucléaires établies ont omis d’élargir le jugement à Tihange 1. Est-ce que les partis verts ont pu utiliser cet argument juridique dans les négociations avec Mme Marghem3 et le gouvernement Michel ? Est-ce que cela a pesé sur la rédaction de l’accord gouvernemental ? Ne pas utiliser cet argument serait stupide, ce que la direction des Verts n’est pas.
Ce gouvernement se montre incapable de prendre une décision électrique, annoncée pour novembre, avant le 1er avril 2022. La pression du lobby pronucléaire, regroupant la grande industrie consommatrice (Febeliec), les exploitants (Engie et EDF) mais aussi le « village nucléaire » qui entoure l’industrie (CEN-NSK, FANC-AFCN, Vinçotte, maintenance…) est extrêmement puissant. La position d’Engie, qui réitère qu’il est trop tard pour prolonger « sans changer les lois et règlements » est très confortable.
Coûteux et dangereux
Techniquement, rien ne s’oppose à l’extension de la durée de vie des réacteurs. Mais il faudra trouver une solution au jugement de la Cour constitutionnelle et aux règles qui imposent certains investissements décennaux. Donc cela va coûter bonbon aux contribuables et provoquer des concessions majeures du gouvernement, y compris pour un retour au nucléaire pourtant interdit par la loi de sortie du nucléaire de 2003.
La volonté de fermer les centrales se mesurera à la rapidité de la fermeture de Doel 3 et Tihange 2. Ces deux « réacteurs à fissures » que même le Premier ministre appelle désormais « scheurtjesreactoren »4 en public sont extrêmement dangereux. Mme Van der Straeten, ministre fédérale de l’Énergie, Groen (verts) l’a plaidé devant le tribunal bruxellois dans son métier précédent d’avocate de l’environnement avec beaucoup d’intelligence et d’engagement. Il faut arrêter D3 et T2 immédiatement et définitivement si on veut s’engager sur la voie de la fermeture. La probabilité d’une catastrophe n’est pas négligeable, et l’ampleur de la catastrophe qu’un « Tchernobyl » causerait dans la région anversoise ou liégeoise serait terrible.
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