De nouveau, la société pétrolière française Perenco est mise en cause pour pollution sur le site de Moba au Gabon. Malgré les tentatives conjointes de l’entreprise et des autorités du pays pour minimiser l’incident, les organisations militantes de la société civile ont décidé de mener leurs propres investigations. Si Perenco est inconnue du grand public, ses conditions d’exploitation dangereuses pour l’environnement et pour les salariéEs sont notoires dans le milieu de l’énergie.
C’est sur le site pétrolier du Cap Lopez près de Port-Gentil qu’une fuite d’un réservoir contenant 500 000 m3 a été constatée. La direction de la société indique que le pétrole serait contenu dans les bacs de rétention et que la situation est sous contrôle. Derrière ces paroles rassurantes, la réalité est tout autre. Les activistes de l’organisation du Réseau gabonais des organisations libres pour la bonne gouvernance (ROLBG) ont déjà constaté des taches d’huile dans la mer. D’autant que ce n’est pas la première fois que la société Perenco tente de cacher ces écoulements. Ainsi, rien qu’au Gabon et d’après les autorités du pays, six faits de pollution en 2020 et trois en 2021 ont été constatés. Le responsable de la communication du ministère gabonais du Pétrole, du Gaz et des Mines, Vianney-Presley Madzou, essaie de dédouaner la société pétrolière parlant de l’impossibilité du risque zéro. Pourtant il cache un fait majeur. Les pollutions récurrentes, observées aussi dans les autres pays où Perenco est implantée, sont les conséquences d’un modèle économique particulier.
Le low-cost du pétrole
Perenco est un groupe pétrolier qui appartient à la famille Perrodo peu connue du grand public, classée 19e des fortunes françaises par le magazine économique Forbes. Sa holding est basée aux Bahamas et ses dizaines de sociétés sont elles aussi, pour la plupart, immatriculées dans des paradis fiscaux. Contrairement à ce qu’expliquent les dirigeants, la profitabilité de cette société ne tient pas à sa réactivité ou à son agilité mais au rôle particulier qu’elle a pris dans l’industrie pétrolière.
En effet, elle s’est spécialisée dans les sites d’extraction mature. En d’autres termes, Perenco rachète, à des entreprises comme Total, Shell, ExxonMobil, etc., des puits d’extraction en fin de vie où il ne reste que du pétrole lourd. L’intérêt pour les grands groupes pétroliers est de s’exonérer du démantèlement des plateformes de forage. Perenco continue quant à elle à exploiter ces puits dans des conditions risquées pour la nature et les travailleurEs. Certaines structures datent de plusieurs dizaines d’années et sont peu fiables, victimes de la rouille et de la corrosion. Le low-cost pétrolier fait le minimum dans les réparations et la maintenance, ce qui occasionne des multiples fuites. La dépollution se fait de manière sommaire, elle consiste à enlever le plus gros et à enterrer le reste. Concernant les conditions de travail, Sylvain Mayabi Binet, secrétaire général de l’Organisation nationale des employéEs du pétrole (ONEP), dénonce ce type de société : « Les travailleurs mettent leur vie en danger dans ces installations. Beaucoup d’opérateurs décident de travailler avec des procédés low-cost, c’est-à-dire on veut dépenser moins, donc on engage moins de moyens pour la sécurité et la préservation de l’environnement. »
La résistance s’organise
Présent dans une quinzaine de pays, l’entreprise Perenco suscite mobilisation et résistance contre ces pratiques. Pour ne prendre que quelques exemples sur le continent, on peut citer les mobilisations contre l’installation d’el-Franig près du village d’el-Farouar en Tunisie. Perenco se livrait à l’exploitation du gaz de schiste par fragmentation hydraulique, pratique délétère pour l’environnement. Une fois de plus l’entreprise a nié en bloc.
En République démocratique du Congo, une plainte a été déposée pour pollution sur le site de Muanda. Devant l’opacité de la société, les associations Sherpa et les Amis de la Terre ont gagné un procès en France leur permettant de saisir des documents nécessaires à la plainte.
Au Gabon, ROLBG a porté plainte contre Perenco pour des faits de pollution dans la presqu’île d’Etimboué à l’ouest du Gabon en janvier 2022. Elle a gagné sur la possibilité d’ester et de mener des investigations. Forte de ce succès, l’ONG a déclaré : « Nous comptons amplifier les actions judiciaires en cours au Gabon et à l’international contre cette multinationale aux pratiques mafieuses dont les opérations sont entourées d’opacité et de dégradation massive de l’environnement. »
C’est effectivement grâce à son opacité financière que Perenco peut continuer à exploiter l’or noir dans ces conditions, et bénéficier de la mansuétude des autorités de ces pays.