La coalition de la droite portugaise a perdu sa majorité absolue au Parlement, mais elle reste la principale force politique de l’élection législative de dimanche dernier. Le Bloc de gauche a fait un retour spectaculaire : avec le meilleur résultat jamais atteint, il double presque son électorat et fait plus que doubler le nombre de ses députés.
La fin de la majorité de droite au Parlement est la principale conséquence du choix des 5,37 millions d’électeurs.
L’austérité sanctionnée
Les deux partis de la coalition au pouvoir ont perdu environ 727 000 votes depuis la dernière élection en 2011, et cela quelques semaines après la signature du mémorandum de la troïka. Ils obtiennent 38,55 % des voix (y compris les résultats de Madère et des Açores, où ils ont fait des listes séparées).
L’austérité sévère imposée au peuple portugais a entraîne l’émigration de près d’un demi-million d’électeurs qui n’ont pas eu la chance de pouvoir voter ce dimanche. Le Parti socialiste n’a pas été en mesure de rassembler le vote de protestation et n’a augmenté son résultat (32,38 %) que de 200 000 votes. Le fait que l’ancien Premier ministre José Sócrates soit allé en prison pour des soupçons de corruption (il a été renvoyé chez lui sous surveillance policière en début de campagne et il n’y a toujours pas d’accusation portée contre lui), ainsi que la prise en main de la direction par António Costa (imposant des élections au sein du parti juste après la courte victoire du PS aux élections européennes, alors que celui-ci était présidé par un opposant à Sócrates), a contribué à diviser et à démobiliser son électorat.
Soutien populaire au Bloc de gauche
Parmi les forces anti-austérité, le Parti communiste n’a pas réussi à tirer profit de la révolte exprimée dans les rues pendant les « années de la troïka », et a gardé son électorat des dernières élections, gagnant environ 3 400 votes et un député supplémentaire (8,27 % des voix, 17 éluEs).
La seule force politique qui a réussi à capter le mécontentement est clairement le Bloc de gauche. Avec 549 000 voix (261 000 de plus qu’en 2011), soit 10,22 % des voix et 19 députés, le Bloc de gauche est maintenant la troisième force nationale. Il a réussi à gagner des députés au détriment de la coalition de droite dans plusieurs districts. L’élection de l’un d’entre eux représente un événement historique en 40 ans de démocratie : pour la première fois, l’archipel de Madère élit un député de la gauche radicale. Trois des nouveaux députés sont indépendants, y compris un militant de longue date des droits pour les personnes handicapées, ce qui va maintenant obliger le Parlement à construire un accès pour son fauteuil roulant afin qu’il puisse prendre place sur les bancs et monter à la tribune...
Ce résultat a été construit principalement grâce à la campagne de la nouvelle direction du Bloc de gauche après la convention nationale du parti de novembre 2014. Sa porte-parole Catarina Martins a été victorieuse et largement applaudie dans chaque débat télé en face-à-face avec le Premier ministre, le vice-Premier ministre et le chef de file PS. Elle a rassemblé le plus grand soutien populaire durant la campagne de toute l’histoire du Bloc de gauche. Le résultat électoral a confirmé cet accueil chaleureux dans tous les coins du pays durant les deux derniers mois. Et les deux partis formés par des dissidents du Bloc de gauche et qui ont pourtant bénéficié d’une large couverture médiatique (Livre et Agir) sont désormais condamnés à la marginalité politique, obtenant respectivement 0,72 % et 0,38 %. Le seul petit parti à entrer au Parlement est PAN qui milite pour les droits des animaux et se dit prêt à soutenir tout gouvernement...
Vers une grande coalition ?
Avec une majorité de gauche au Parlement, le moment est venu pour le PS d’assumer ses responsabilités et essayer de négocier une alternative de gouvernement qui pourrait être soutenu (ou au moins sans opposition) par le Bloc de gauche et le Parti communiste. Mais la première réaction d’Antonio Costa, lors de la nuit électorale, a été d’affirmer que le PS ne mettra pas d’obstacle à l’approbation par le Parlement du programme de gouvernement de la droite (le Bloc de gauche et le PCP ont déjà dit qu’ils le rejetteraient), ce qui ouvre la voie pour une grande coalition des 3 partis signataires de l’accord avec la troïka qui soutiennent le traité budgétaire européen.
En termes pratiques, toute mesure supplémentaire d’austérité que le gouvernement PSD / CDS tentera d’imposer (en particulier la coupe de 600 millions d’euros sur les pensions qui a déjà été promise à Bruxelles) doit avoir l’accord du PS pour passer au Parlement. L’hypothèse de la chute de ce gouvernement et de nouvelles élections dans peu de temps n’est pas envisageable selon la loi portugaise : l’élection présidentielle a lieu en janvier prochain, l’actuel président ne peut pas dissoudre le Parlement dans les six derniers mois de son mandat présidentiel, et le Parlement ne peut être non plus dissous dans les six premiers mois du mandat du nouveau président...
De Lisbonne, Luis Branco
(Traduit par Yvan Lemaitre)