Fin septembre, sur ordre du parquet chargé de l’économie et de la corruption, plusieurs perquisitions ont eu lieu dans des ministères et au siège du parti conservateur ÖVP. Dans la foulée, le chancelier Sebastian Kurz quittait son poste. Le Macron autrichien qui pensait pouvoir tout acheter a fini par se faire pincer. Mais la bourgeoisie autrichienne a encore des options de rechange dans ce petit monde politique.
Des archives de conversations WhatsApp montrent que Kurz et ses alliés politiques ont commandé des sondages truqués en 2016, alors qu’il était ministre des Affaires étrangères, pour les faire ensuite publier dans le quotiden Österreich. Une pratique financée sur le budget du ministère des Finances. Le parquet a lancé une enquête contre 10 personnes, mais aussi contre l’ÖVP, pour détournement de fonds et corruption.
Un jeune arriviste aux dents longues
Kurz était alors ministre des Affaires étrangères dans un gouvernement de coalition entre l’ÖVP et les sociaux-démocrates du SPÖ, mené par le social-démocrate Christian Kern. Déterminé à devenir calife à la place du calife, Kurz veut écarter le chef de l’ÖVP et vice-chancelier de l’époque, Reinhold Mitterlehner. Pour y parvenir, il entreprend de saboter son propre parti et la coalition, en commandant des sondages truqués censés montrer que l’ÖVP est à la peine par rapport aux autres partis… afin de fragiliser son rival Mitterlehner. Kurz s’arrange alors avec l’éditeur du quotidien Österreich pour publier les sondages.
D’un autre côté, on trouve aussi des messages dans lesquels un proche collaborateur de Kurz, Thomas Schmid (ancien secrétaire général au ministère des Finances), commande directement des sujets d’articles sur des thèmes précis à Österreich. Comme il le commente dans un texto : « Fellner [le propriétaire du quotidien], c’est un capitaliste. Qui paie, décide. J’adore. » Encore une fois, ces manigances étaient payées par le ministère des Finances via des publicités dans le journal et des factures fictives. Plusieurs millions d’euros auraient été ainsi détournés pour soutenir la noble cause de Kurz.
En plus de ces affaires pénales, on trouve dans les textos d’autres manœuvres. Ainsi, Kurz aurait bloqué une réforme de l’impôt sur les revenu et l’instauration d’une prise en charge gratuite des enfants l’après-midi. Le but : empêcher la mise en place de mesures populaires pour affaiblir son rival Mitterlehner. Et en effet, celui-ci démissionna de son poste de chef de l’ÖVP et de son poste de vice-chancelier en mai 2017. Kurz lui succède, rompt la coalition avec les sociaux-démocrates, remporte les élections anticipées et gouverne en alliance avec l’extrême droite du FPÖ.
Une démission… pour que tout reste en place
À 30 ans, le plus jeune chancelier de l’histoire est alors au sommet de sa carrière fulgurante. Tout au long de la campagne électorale, il continue de faire publier des sondages truqués et de se payer des articles favorables dans la presse. Après « l’Ibizagate », le scandale de corruption qui force le FPÖ à quitter le gouvernement, Kurz s’allie aux Verts dans une coalition fédérale inédite pour « protéger les frontières et le climat » !
Sebastian Kurz rejette toutes les accusations. Malgré tout, il a dû démissionner en tant que chancelier fédéral. Il reste cependant dirigeant de l’ÖVP, député et chef de la fraction parlementaire du parti. C’est son confident Alexander Schallenberg qui lui a succédé… avec l’aval de ses alliés verts, qui restent aussi à leurs postes au gouvernement – après avoir fait campagne sur la transparence et la lutte contre la corruption ! Le système Kurz et ses alliés restent donc en place, au grand bonheur de la bourgeoisie autrichienne et de son personnel politique.