Publié le Jeudi 2 juin 2016 à 10h31.

Syrie : Révolution, guerres et négociations...

La situation semble « complexe » en Syrie : une révolution, des contre-révolutions et des guerres impérialistes...

L’hégémonie des forces djihadistes, en particulier Daesh et Jabhat al-Nosra (dont l’émergence a été favorisée par le régime et les États du Golfe contre l’Armée syrienne libre) est devenue le prétexte des grandes puissances impérialistes, USA et Russie en tête, pour intervenir directement en Syrie. Des puissances qui semblent trouver une certaine entente d’intérêts en Syrie : elles gèrent en commun « le dossier syrien » comme le disent souvent leurs officiels...

Après la visite le 23 mai dernier du général américain Votel, chef du commandement central à Roja et sa rencontre avec les forces militaires kurdes YPG, ces dernières ont annoncé le début de la campagne militaire de libération de Raqqa, le fief de Daesh en Syrie, cela au nom des forces coalisées : YPG et d’autres bataillons arabes, turkmènes et assyriens, sous le nom de « Syrie démocratique ». Ces forces sont soutenues par l’aviation américaine et par quelques centaines des forces spéciales américaines au sol. Pour l’instant, cette campagne a permis de libérer quelques villages au nord de Raqqa, mais reste encore un peu loin de la ville.Daesh avance au niveau de la campagne est d’Alep, et vers Deir ez-Zor dans l’est du pays. Dans Alghota, près de Damas, la guerre fait rage entre deux factions réactionnaires, et le régime en profite pour avancer. Dans le sud du pays, la guerre n’est pas finie entre Daesh et d’autres groupes, et le régime gagne encore du terrain. Bref, les combats dans diverses régions reflètent la volonté de toutes les parties d’améliorer leur situation militaire en vue de renforcer leurs positions dans les négociations en cours à Genève.

« Négociations » ou mouvement populaire ?

Pour accélérer ces négociations, les USA soutiennent la campagne de Raqqa, et la Russie donne un délai aux groupes « modérés » pour se séparer de Jabhat al-Nosra, avant qu’elle devienne la cible de ses bombardement. La date butoir du 25 mai a été reportée « pour donner du temps à l’administration américaine pour convaincre ces modérés de se séparer de al-Nosra », selon les déclarations russes.Deux principaux dirigeants « islamistes » de la haute commission de négociation ont été poussés à démissionner, et la commission a aussi déclaré qu’elle va intégrer l’opposition soutenue par Moscou, ainsi que celle soutenue par Le Caire, dans les négociations avec le régime. De plus, un journal proche du régime syrien a divulgué le 24 mai un projet de constitution pour la future Syrie préparé par l’administration de Poutine...

Tous ces éléments laissent à penser que les deux grandes puissances veulent « imposer » une solution à toutes les parties et en premier lieu au peuple syrien, une solution qui reproduit le régime en place greffé par une partie de l’opposition bourgeoise.Pour autant, l’ASL n’a pas disparu, et le mouvement populaire reste vivant : il renoue avec les mots d’ordre de la révolution de 2011, en particulier avec les manifestations quasi quotidiennes à Ma’arrat al-Numan, Salqin, Kifr Nubil et Saraqib, contre le régime et les forces réactionnaires. Et à Hama, 800 prisonniers politiques démocrates ont pris le contrôle de la prison centrale depuis un mois.Les deux attentats suicides du 23 mai perpétrés par Daesh dans deux grandes villes de « la Syrie utile » du régime, Jableh et Tartous, ont révélé l’étendue de la contestation et la colère qui germent dans cette région contre le régime, et qui ne va pas tarder à exploser. Les masses syriennes défendent la paix, mais pas aux dépens de leurs libertés et dignité. Contre le régime et les groupes islamistes, ces masses sont de plus en plus gagnées aux idées de la démocratie, de la laïcité, de l’anti-impérialisme, pour la liberté et la justice sociale. Tout faire pour les soutenir et les aider à s’organiser est notre devoir.

Ghayath Naisse