En Tunisie comme au Maroc, une vague de répression de grande ampleur frappe tous ceux qui veulent faire entendre une voix discordante ou oppositionnelle.
Le président tunisien Ben Ali, conforté par la mise en scène de sa «réélection» comme dictateur, intensifie la pression de sa police sur le pays. Alors que la télévision et la presse sont entre ses mains, il veut réduire au silence tous ceux qui cherchent à donner un point de vue indépendant du pouvoir. La répression actuelle, si elle n’est pas nouvelle dans ce pays, est aujourd’hui officiellement justifiée et revendiquée par la dictature. Elle est large et systématique. Qu’on en juge: les journalistes Taoufik Ben Brik et Zouhaïer Makhlouf sont écroués, la blogueuse Fatma Riahi a été interpellée et est poursuivie, les journalistes Mouazz Elbey et Slim Boukhdhir ont été agressés, les journalistes Lotfi Hajji et Mouldi Zouabi sont harcelés, Florence Beaugé, journaliste du Monde a été refoulée, la journaliste Manuela Gumucio a été expulsée, Mohammed Soudani, qui avait accordé une interview à une journaliste étrangère a été condamné à quatre mois d’emprisonnement. La chaîne satellitaire El Jazira est censurée, les blogs (kitab.nl, moncefmarzouki.com, fatma-arabicca.blogspot.com, elclandestin.blogspot.com, rafiik.blogspot.com, dawwen.blogspot.com, etc.) sont effacés. Les sites web nawaat.org et reveiltunisien.org sont piratés. Le numéro préélectoral du journal Ettarik Eljadid a été saisi et les locaux de Radio 6 assiégés.
Sans compter les mesures qui perdurent : privation de passeport pour le journaliste Slim Boukhdhir, le blogueur Mokhtar Yahyaoui. La fondatrice de Radio Kalima, Sihem Ben Sedrine, est déférée en justice, le journaliste Abdallah Zouari est banni au sud du pays, le journaliste Fahem Boukaddous est condamné par contumace et contraint à la clandestinité.
Le constat n’est guère plus riant au Maroc oùil ne fait pas bon évoquer la famille royale. Le véritable harcèlement du Palais témoigne de la crispation du pouvoir. Il a déclenché l'instrumentalisation de la machine judiciaire: emprisonnement, amendes, fermetures de locaux, saisie de publications...
En août, les revues Tel Quel et Nichane ont été sanctionnées pour avoir réalisé,en partenariat avec Le Monde, un sondage sur le bilan des dix ans de Mohamed VI. Bien que les résultats s'apparentaient à un plébiscite, 100 000 exemplaires ont été détruits et Le Monde interdit.
En octobre, Tawfik Bouachrine, directeur de Akhbar Al Youm, et Khaled Gueddar, caricaturiste, se sont vu infliger des peines de prison avec sursis et 270 000 euros d'amende, ce qui met la survie de leur journal en danger. Ils sont condamnés pour un dessin portant atteinte à l'emblème du royaume et au cousin du roi. Le patron de l'hebdo Al Michaal a écopé d’un an de prison ferme, et trois mois pour deux des journalistes, avec amende, pour avoir évoqué l'état de santé du roi.
Pour atteinte àl'intégrité territoriale, le journaliste sahraoui Mustafa Abdedayem est détenu depuis octobre 2008. Les maltraitances subies en prison ont nécessité son hospitalisation à Tiznit. D'autres journaux sont asphyxiés financièrement par des amendes faramineuses pour n'avoir pas ménagé les puissants.
C'est en soutien de cette presse en danger que le collectif Maghreb Solidarité appelle à un rassemblement mercredi 18 Novembre, place de l'Opéra, à Paris.
Gisèle Felhendler (Maroc) et Luiza Toscane (Tunisie)