Le peu de fois où l’Afrique surgit dans le débat électoral en France, c’est pour, côté extrême droite, insulter la diaspora africaine, cf. les sorties immondes de Zemmour sur les Sénégalais, ou pour la droite, l’évoquer sous l’angle de l’immigration. Quant aux candidats qui se réclament de la gauche, on évoque la solidarité et l’aide au développement. La question de la responsabilité du système capitaliste dans le maintien de la domination du Continent est rarement soulevée.
La colonisation a façonné les économies africaines pour satisfaire les besoins des métropoles. C’est donc une économie d’exportation des matières premières, pétrole, uranium, grumes (tronc de bois coupé) ou de cultures, cacao, café, coton, caoutchouc... qui est développée au détriment des cultures vivrières.
Une responsabilité historique
Une fois les indépendances acquises dans les années 1960, ce système a perduré et s’est inscrit dans la division internationale du travail. L’Afrique est maintenue dans son rôle de pourvoyeuse de matières premières dont la transformation, qui permet la création de valeur, reste le privilège des pays riches. Pour prendre un exemple, une grume aura moins de valeur que des planches polies issues de cette dernière, et elles-mêmes seront de valeur moindre qu’un meuble en bois. De même le Nigeria, un des premiers exportateurs de pétrole brut, ne possède que quatre raffineries totalement insuffisantes pour sa propre consommation. La Côte d’Ivoire, de loin le premier exportateur de cacao, est dotée d’une unique entreprise de transformation. Elle date seulement de 2015 et est… française.
Comme chaque pays africain est largement tourné vers les pays riches, il n’y a pas eu la création d’un marché régional. Ainsi sur la période 2015-2017, le commerce intrarégional était de 47 % pour le continent américain, 61 % pour l’Asie, 67 % pour l’Europe et seulement 15 % pour l’Afrique. D’où l’importance de défendre des revendications rompant avec la logique capitaliste. Il s’agit de la dénonciation des accords de partenariat économique (APE) qui maintiennent le Continent sous la dépendance, tout comme le Franc CFA, l’abolition des dettes pour arrêter la saignée des capitaux vers les pays riches ou l’arrêt des pillages des multinationales qui ont un effet délétère tant sur l’économie que sur l’environnement.
Le service après-vente
Ce système peut perdurer par la complicité des élites africaines qui sont en place et pour certaines depuis la décolonisation. C’est le cas pour la dynastie Gnassingbé au Togo ou de Biya au Cameroun qui a exercé des fonctions gouvernementales dès l’indépendance avant d’être président par un coup d’État. Le deal est simple les gouvernements français successifs protègent ces élites corrompues qui, en échange, maintiennent le système et laissent les multinationales piller leur pays. C’est la particularité de l’impérialisme français qui s’apparente à une sorte de service après-vente pour les pouvoirs en place. Les quelques dirigeants africains qui s’y sont opposés ont été éliminés, Sylvanus Olympio au Togo, Patrice Lumumba au Congo, Thomas Sankara au Burkina Faso. Les décolonisations ont toutes emprunté le chemin tracé par la France. Celles qui s’en sont écartées l’ont payé durement. C’est le cas de la Guinée, victime d’un véritable sabotage économique, ou de la guerre menée par l’armée française qui n’hésitera pas à utiliser le napalm contre la guérilla menée par l’Union des peuples du Cameroun.
Il y a donc une nécessité à exiger le départ des troupes françaises du Continent et la fin de la coopération militaire avec les dictatures. Faut-il rappeler l’implication de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda ? Autre exigence d’importance, le refus de toutes les interventions militaires qui est loin d’être un réflexe parmi les partis de gauche. En effet, aucune voix à l’Assemblée nationale ne s’est opposée à l’opération Serval au Mali en 2013.
Certes le capitalisme français perd du terrain en Afrique comme ailleurs, au profit d’autres compétiteurs tels la Chine, certains pays européens ou des économies émergentes comme l’Inde ou la Turquie. Cet affaiblissement ne signifie pas la fin de l’impérialisme français en Afrique et son rôle de gendarme sur le Continent. Le nombre d’interventions récentes depuis le début de ce siècle le démontre. 2002 Opération Licorne en Côte d’Ivoire, avec des militaires français tirant sur une manifestation faisant plus d’une cinquantaine de morts, 2011 intervention en Libye déstabilisant toute la région, début 2013 le Mali, fin 2013 la Centrafrique et actuellement le Burkina Faso et le Niger.
Il faut saisir toutes les occasions pour faire émerger une opposition résolue et conséquente à cette politique, alors ne manquons pas celle du 10 avril 2022.