On ne l’avait pas vu depuis longtemps : des milliers de jeunes bloquant les lycées et envahissant les rues avec des itinéraires de manif improvisés. Cette fois, c’est en solidarité avec Khatchik Khachatryan, lycéen de dix-neuf ans expulsé en Arménie, et Leonarda Dibrani, collégienne kosovare de quinze ans dont le cas a déjà fait couler beaucoup d’encre.
Quelle meilleure réponse à un gouvernement qui reproduit à l’identique la politique de la droite et à un FN qui se prétend première force dans la jeunesse ? Ce n’est pas la première fois que des jeunes se mobilisent en solidarité avec leurs camarades sans-papiers expulsés ou menacés de l’être, et ces mobilisations ont bien souvent été victorieuses. Ce mouvement dépasse cependant tous les précédents par son caractère massif.
Une jeunesse toujours solidaireCela faisait plusieurs semaines que les élèves du lycée professionnel Jenatzy (Paris XIe) où est scolarisé Khatchik, se mobilisaient suite à son obligation de quitter le territoire français (OQTF). Menacé de prison en Arménie, car il n’a pas fait son service militaire, Khatchik a eu la malchance de se faire interpeller pour un soupçon de vol. Même s’il en a été innocenté, cette arrestation a permis de le placer en centre de rétention. Après une première tentative annulée grâce à la mobilisation, la préfecture est parvenue à le faire expulser un samedi, en l’empêchant de prévenir ses proches.L’histoire de Leonarda est venue ajouter à l’indignation. Arrêtée en pleine sortie scolaire, elle a été renvoyée dans un pays qu’elle ne connaît pas, dont elle ne parle pas la langue et où sa famille, rom, subit les discriminations. Le cynisme de Hollande proposant de la faire revenir seule est indigne. Ses frères et sœurs aussi sont scolarisés et doivent pouvoir rentrer, avec leurs parents !
La mobilisation n’est pas terminéeLes vacances scolaires ont certes joué contre l’extension du mouvement, qui a véritablement démarré le jeudi 17 octobre. Pourtant, dès le vendredi, il s’étendait à plusieurs villes et à la banlieue parisienne. Le samedi, premier jour des vacances, près d’un millier de jeunes manifestaient de nouveau. Durant la première semaine des vacances, deux assemblées générales inter-lycées ont réuni près d’une centaine de jeunes, venus de plus d’une trentaine d’établissements.L’enjeu est d’étendre la mobilisation au reste du pays. Rendez-vous est pris dès le mardi 5 novembre pour une manifestation appelée par toutes les organisations syndicales et politiques intervenant dans la jeunesse. Des appels lancés par le Réseau éducation sans frontières (RESF) vont dans ce sens, et il y a fort à parier que certains établissements seront bloqués dès le lundi de la rentrée.
Un affrontement contre le gouvernementTablant sur un essoufflement du mouvement, Hollande a donc fait ses choix : une indécente provocation concernant Leonarda et aucun mot concernant Khatchik. Il est habituel qu’au début d’une mobilisation le gouvernement se présente comme inflexible et qu’il jouisse même d’un fort soutien dans les sondages. Mais quand la jeunesse est déterminée à continuer à se battre, elle peut rapidement faire basculer les choses.C’est ce qu’a bien compris une partie du PS, notamment celle qui reste liée au mouvement social, notamment à certains syndicats lycéens et étudiants (UNEF, UNL et FIDL) ou à SOS-Racisme. Au-delà des calculs politiciens d’une Anne Hidalgo qui attendait le vote interne du PCF parisien, ce sont plusieurs dirigeants et élus socialistes, jusqu’au premier secrétaire Harlem Désir, qui se sont publiquement émus de la position du gouvernement.Peu probable pour autant qu’ils iront jusqu’au bout dans l’affrontement. L’enjeu n’est pas des moindres : obtenir le retour des expulsés mais aussi l’arrêt définitif des expulsions de sans-papiers scolarisés et donc leur régularisation automatique. Une avancée qui serait historique, tant elle constituerait un désaveu pour le gouvernement et pour toute la politique migratoire de la France depuis trente ans !
JB Pelé