Deux livres sortent coup sur coup au sujet de l'homosexualité et des « banlieues »1. L'un de témoignage, l'autre d'enquête. L'occasion de répertorier l'homophobie quotidienne qui sévit toujours, souvent sous silence.
Des agressions contre des lesbiennes, des gays et des transsexuelles font l'actualité depuis quelques semaines.
S’y ajoutent les parents homosexuel-les ignorés des projets législatifs récents sur le statut du parent non biologique. Puis, dernièrement, ce refus désastreux d'une équipe de foot de rencontrer une équipe composée de joueurs gays, pour des prétendues raisons religieuses.
Ces évènements posent la question de l’homophobie sur d’autres terrains que ceux balisés (mariage, homoparentalité) des discriminations institutionnelles. Nous sommes sur le terrain mouvant des divisions internes aux salariés, des antagonismes que les traditions, les religions et la pensée dominante construisent entre nous. Dans 77 pays du monde, l'homophobie persécute, emprisonne, tue. Dans nos propres pays, une tentative de suicide sur quatre de jeunes de moins de 25 ans est liée à l’orientation sexuelle2, avec ce que cela implique en amont de dépressions, addictions, conduites à risques et crises familiales. Soit environ 700 décès par an ! Les deux ouvrages parus portent sur la violence qui s'exerce dans les milieux populaires, qui n'en ont pas le monopole, loin de là. Mais pour les jeunes LGBTI3 de ces milieux dont les perspectives d'autonomie sont réduites par la misère, le chômage et la discrimination, la situation est d'autant plus dramatique.
Que faut-il dans l’immédiat ? La lutte contre l’homophobie passe par l’éducation nationale, quitte à sortir des textes, et doit s’accompagner d’une formation des personnels qui en sont chargés (il y a un déficit grandissant d’infirmiers et d’assistants sociaux). Elle passe aussi par les associations familiales et de parents d’élèves, car la famille (ce « nid à névroses », disait Freud) est trop souvent incapable d’accueillir sans maladresse ni drame un enfant « LGBTI ». Les foyers pour les jeunes en difficulté manquent de financements. À Montpellier par exemple, il existe une unique association (Le Refuge). Ce sont ces pistes qu’il faut emprunter pour contrecarrer la stigmatisation des « quartiers dangereux », de « la » religion barbare et autres saloperies que l’on nous sert en guise de riposte à l’homophobie.
Cela mérite une mobilisation concertée avec les associations LGBTI. Reste à les convaincre pour disposer d’un levier politique et social. Car la lutte contre l’homophobie quotidienne se joue au jour le jour, aussi bien dans des campagnes que sur le terrain.
Janine Mirabel
1.Un homo dans la cité de Brahim Naït-Balk (Calmann Lévy) et Homo-Ghetto de Franck Chaumond (Le cherche midi).
2. Voir l'enquête du Professeur Xavier Pommereau (Bordeaux) et de Michel Dorais (Québec).
3. Lesbienne, gay, bisexuel-le, transexuel-le et intersexe.