Publié le Jeudi 12 mai 2011 à 23h14.

Journée mondiale de lutte contre l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie : nos désirs font désordre !

Depuis quelques années, le 17 mai est une journée consacrée à la sensibilisation contre les violences homophobes et transphobes. Homophobie, lesbophobie et transphobie désignent toutes les manifestations de mépris, rejet, et haine envers des personnes, des pratiques ou des représentations homosexuelles ou supposées l’être. L’homophobie est donc avant tout un rejet de la différence, au même titre que la xénophobie, le racisme, le sexisme, les discriminations sociales, les croyances religieuses... Quant à la transphobie, elle désigne les formes de discrimination visant les personnes transsexuelLEs ou transgenres. Des formes les plus « banalisées » du quotidien (moqueries, injures dans les cours d’école ou les stades…) aux agressions physiques plus violentes, voire meurtrières, l’homophobie demeure bien présente dans notre société, malgré une tolérance de façade dont s’accommode parfaitement la société capitaliste et marchande. Ainsi, le rapport annuel publié en 2010 par l’association SOS-Homophobie fait état, malgré la législation du 18 mars 2003 sanctionnant le caractère aggravant des violences liées à l’orientation sexuelle, d’une forte augmentation des témoignages de personnes ayant été agressées. De même, les effets psychologiques et sociaux de l’homophobie vécue au quotidien au travail, en famille, ou sur internet sont toujours aussi présents… Pire, agissant comme un espace de défouloir anonyme, internet est devenu en 2009 le premier motif d’interpellation de l’association ! Des raisons d’être optimistes ?Faut-il voir dans la récente autorisation de la manifestation de la Gay Pride, le 28 mai prochain à Moscou, concédée par les autorités municipales, un signe d’amélioration sur le plan international ? Il faut surtout considérer l’action des militantEs russes qui se battent depuis cinq ans pour obtenir ce droit. Ce pays tristement connu pour les violences que suscite chaque année la manifestation des fiertés LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) vient de voir son appel devant la Cour européenne des droits de l’homme rejeté ; la Cour a ainsi confirmé sa décision du mois d’octobre dernier qui stipulait qu’interdire de telles manifestations constituait une discrimination et une atteinte au droit de réunion. Cependant, de manière générale, la justice reste une réponse imparfaite et les procédures, même en France, sont difficiles à mettre en œuvre pour faire reconnaître le caractère homophobe des agressions. Même si en janvier dernier, le verdict du procès des agresseurs de Bruno Weil, rebaptisé à l’occasion « le procès de l’homophobie », s’est traduit par des peines exemplaires, les condamnations restent encore trop rares, notamment pour le fait de propos discriminatoires sur internet. Le prochain rapport de l’association, publié à la mi-mai, nous permettra-t-il de nuancer ce pessimisme ? « Fécondité de la colère »Cette année, le thème de la journée de lutte contre l’homophobie 2011 est « Couple de même sexe : une histoire d’amour ». Une réalité certes, mais semble-t-il un peu consensuelle et individualiste… Face aux constats évoqués plus haut, Jacques Fortin, dans son dernier ouvrage L’homosexualité est-elle soluble dans le conformisme ?1, en appelle à la « fécondité de la colère » : « salutaire et frémissante, elle saura libérer nos énergies personnelles et collectives ». En effet, les oppressions vécues par les personnes LGBTI ont toutes en commun d’être politiques, de s’appuyer sur des systèmes de domination hétéro­-patriarcale et capitaliste dont elles sont tout à la fois les conséquences et les instruments. Ces oppressions n’ont donc rien d’inéluctables. Elles appellent la construction de résistances et de luttes collectives. Aussi, si ces luttes concernent au premier chef les lesbiennes, les gays, les bissexuelLEs et les trans, elles concernent également l’émancipation de chacunE, homos comme hétéros : nous luttons contre l’idée d’une « nature » des genres et des sexualités, qui fixe et enferme les désirs et les aspirations de tous et toutes. Alors, plutôt que de se fondre dans un conformisme amoureux consensuel et faussement tolérant, revendiquons, avec subversion, contre la droite et l’ordre moral, que nos désirs et nos amours font désordre ! Pour conquérir de nouveaux droits, pour une société débarrassée de toute aliénation, de toute discrimination.

Commission LGBTI1. Textuel, 2010