Publié le Mercredi 6 novembre 2019 à 13h11.

23 mesures pour la Seine-Saint-Denis : le mépris et la matraque

Retour sur le « plan gouvernemental » pour la Seine-Saint-Denis.

Les commentaires qui ont entouré les récentes annonces du gouvernement concernant la Seine-Saint-Denis étaient on ne peut plus alarmistes : département « le plus pauvre », avec un taux de pauvreté de 28,6 % contre 14,7 % dans l’ensemble du pays, « le plus jeune », avec 35,4 % d’habitantEs ayant moins de 24 ans, un des principaux déserts médicaux avec un manque de médecins généralistes dans 37 des 40 communes… Bref un « département hors-normes » pour le Premier ministre. Par contre son plan pour « un État plus fort en Seine-Saint-Denis » est pile poil dans les « normes » de ce gouvernement.

Le mépris, ras le bol !

La mesure claque comme une grande baffe pour les concernéEs et une provocation pour touTEs les fonctionnaires : 10 000 euros pour avoir « tenu » 5 ans en Seine-Saint-Denis (au lieu des un peu plus de 2 ans de moyenne pour la présence en poste dans le 93). Car des augmentations de salaires, touTEs les salariéEs de la fonction publique, titulaires comme contractuels, en auraient bien évidemment besoin. Et pas qu’en Seine-Saint-Denis, et pas que dans la fonction publique d’État, mais aussi dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale. Et puis derrière le chiffre rond à 4 zéros, si on le rapporte au salaire sur 5 ans, cela représente 166 euros mensuels pour solde de tout compte. Bien loin des 300 euros d’augmentation salariale revendiqués par les organisations syndicales pour compenser le blocage du point d’indice quasi continu depuis 2010 ! Et surtout, parce qu’il n’y a rien dans les mesures qui permette de changer sensiblement les conditions de travail et donc les conditions de services rendus au public, le message est donc clairement : on indemnise un peu pour que tout continue à se dégrader.

« On n’est pas des moineaux, on ne veut pas des miettes »

C’était un des slogans des mobilisations pour réclamer un véritable plan d’urgence pour la Seine-Saint-Denis, qui s’applique tout à fait aux annonces gouvernementales. Quand le gouvernement parle sécurité, il ne pense ni à lutter contre la précarité économique (que les réformes facilitant les licenciements et pénalisant les privéEs d’emploi ont renforcée), ni à lutter contre la précarité des conditions de vie, à commencer par le logement. Il ne pense pas non plus à améliorer les conditions d’accès à l’éducation, aux loisirs et à la culture, ni aux dispositifs de prévention et d’accompagnement des personnes et des familles en difficulté. Non ce sont juste des annonces sécuritaires avec une formation spéciale 93 pour les officiers de police judiciaire et la création supplémentaire de deux quartiers de « reconquête républicaine », les autres ayant tellement fait leurs preuves ! Et ce ne sont pas les 35 postes de greffiers au tribunal qui vont suffire à rattraper les retards cumulés, pas plus que la création de 12 postes de magistrats, alors qu’entre 40 et 70 postes existants ne sont pas pourvus…

École, hôpitaux, logement…

Les inégalités scolaires, pointées par nombre de rapports elles, sont édifiantes : les élèves cumulent la pauvreté et/ou la précarité de leurs parents, le logement social ghettoïsé ou le logement insalubre, parfois une langue maternelle qui n’est pas le français et un parcours migratoire plus ou moins chaotique, avec l’accueil par des enseignantEs moins expérimentés et plus souvent contractuels qu’ailleurs. Rien de neuf de ce côté, à part encourager des étudiantEs du département à y devenir enseignantEs ! 20 millions pour financer des écoles ? On sait que la ville de Saint-Denis seule construit un groupe scolaire par an depuis 2007 et qu’un groupe scolaire (deux écoles) c’est 40 millions…

Sur les questions de santé, c’est également du saupoudrage qui ne changera rien à l’état sinistré des hôpitaux, qui motive l’engagement de services de plus en plus nombreux dans les mobilisations. Et pour finir, sur le logement, ce n’est évidemment pas la création de cinq postes de fonctionnaires pour lutter contre l’habitat insalubre (il n’y en a que deux actuellement) qui va pouvoir répondre aux besoins des personnes vivant dans des logements insalubres ou à la rue). En 2017, 29 000 personnes étaient hébergées chaque nuit dans ce département où le nombre d’appels au 115 a bondi de 186 000 en 2011 à 1,6 million en 2017 ! 

Encore la matraque et la criminalisation

Et pour que les choses soient bien claires, le jour où les ministres se pressaient à Bobigny pour faire leur communication devant les médias, la trentaine de syndicalistes qui manifestait devant la préfecture a été éloignée violemment par la police. Le secrétaire de l’UD CGT 93, Hervé Ossant, interpellé, a été placé en garde à vue pendant sept heures, et est convoqué en février prochain devant le tribunal correctionnel pour violences contre les policiers. Les tentatives d’intimidation et la criminalisation de l’action syndicale se poursuivent. De quoi faire déborder la colère.

Cathy Billard