Au centre des débats parlementaires, en raison du pourrissement institutionnel organisé par Macron, le RN fait déjà la loi. Pour le moment au sens figuré de l’expression, par son rôle décisif dans l’avenir du gouvernement et par l’adoption de pans entiers de sa ligne par une grande partie du spectre politique.
Mais, pas à pas, tous les verrous sautent, et on se rapproche du moment où le RN ferait la loi au sens propre, ses propositions étant désormais parfois adoptées par le Parlement. Il y a urgence à un sursaut antifasciste — et donc antiraciste.
Un très grave précédent sur l’Algérie
Le 30 octobre, lors de sa niche parlementaire, le Rassemblement national a réussi à faire adopter une résolution demandant la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968, qui régit le droit de séjour des AlgérienNEs en France. Ce vote est symbolique : seuls l’exécutif et un accord avec l’Algérie pourraient réellement modifier ce texte. Mais il constitue un précédent politique majeur : c’est la première fois qu’une proposition du RN est adoptée à l’Assemblée. La résolution est passée à une voix près, grâce aux votes des députéEs Horizons et LR, et à l’absence de nombreux députéEs, en particulier macronistes.
L’union des droites existe déjà dans les idées ; elle se matérialise à l’Assemblée. Il n’est pas étonnant que cette première se fasse sur la question algérienne, objet d’une nostalgie coloniale largement partagée à droite. Marine Le Pen s’en gargarise : « Ce n’est pas un tournant, c’est une marche ». Ce vote constitue une étape supplémentaire dans la normalisation du RN.
L’islamophobie comme ciment
Il n’est pas étonnant non plus que le ralliement de la droite traditionnelle à l’extrême droite se fasse sur fond d’islamophobie. Ainsi, une proposition de loi RN, contraignante cette fois, a déjà été adoptée par le Sénat et par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Elle n’a pas été examinée lors de la dernière niche RN, faute de temps. Elle vise à élargir l’interdiction des signes religieux aux activités hors de l’école, y compris pendant les voyages scolaires, même en dehors du temps scolaire. Elle reviendra, n’en doutons pas. Avant d’autres propositions limitant toujours davantage les libertés des musulmanEs.
Offensive raciste contre le droit à la santé
Mais l’agenda politique raciste est également porté par le gouvernement lui-même, notamment sur la question des droits des migrantEs. L’extrême droite et la droite extrême ont fait de l’AME (Aide médicale d’État) leur cheval de bataille. Le gouvernement n’est pas en reste et ressort un vieux projet visant à imposer, par décret, une nouvelle condition pour bénéficier de cette couverture minimale : la fourniture d’un document d’identité avec photo. Le pouvoir sait très bien que la plupart des bénéficiaires ne seront pas en mesure de présenter un tel document. Il s’agit en réalité d’une restriction drastique du droit à l’AME.
On en connaît les effets : augmentation des passages aux urgences devenues la seule forme d’accès aux soins, retards de prise en charge, hausse de la mortalité des sans-papiers, effets négatifs sur la santé publique.
Et lors de l’étude du budget de la Sécurité sociale en commission, les députéEs ont voté, à l’initiative de LR, la disparition du titre de séjour pour soins, qui permettait à une personne étrangère résidant en France et atteinte d’une maladie grave de recevoir un traitement. Ce droit est déjà extrêmement limité — le nombre de maladies éligibles étant très faible et les préfectures décidant la plupart du temps que les pays d’origine peuvent les prendre en charge, même quand cela n’a aucune vraisemblance.
Pour un sursaut antifasciste et antiraciste
La fascisation suit une double pente : l’alignement du spectre politique sur l’extrême droite et l’accession au pouvoir de son parti officiel. La lucidité sur la porosité entre la droite et l’extrême droite, et plus largement sur le partage des positions racistes et autoritaires, ne doit pas faire oublier l’autre pan d’une orientation antifasciste conséquente : le RN n’est pas un parti comme un autre.
Olivier Lek Lafferrière