Le 3 octobre s’est ouvert au Mans le « grand débat » sur la santé, annoncé par Macron, dans le cadre du « Conseil national de la refondation ».
«Concertation avec les acteurs clés », « réunions territoriales », « consultation citoyenne numérique » : Macron et Braun, le ministre de la Santé, ne lésinent pas sur les annonces creuses laissant supposer une discussion démocratique pour répondre à la crise hospitalière, et aux difficultés d’accès aux soins.
Les vraies décisions sont déjà prises
Mais de quel « débat » parle-t-on ? La réalité est que les vraies décisions sont déjà prises. La politique de santé pour 2023 se trouve dans les chiffres secs du « projet de loi de financement de la Sécurité sociale » dévoilé le 26 septembre.
Les sept ministres qui signent la présentation de ce projet de loi ne laissent pas place au doute : il s’agit, après les deux années de crise du covid, de revenir à l’austérité ; comme on peut le lire dans la présentation du projet de loi : « À présent il nous faut tenir le cap du redressement des comptes sociaux afin de contribuer au retour sous les 3 % de déficit public d’ici 2027 ». Le grand débat aura tout au plus pour but d’inventer les bricolages locaux — pardon le « sur mesure » — pour faire accepter l’austérité et limiter les catastrophes.
La loi de financement de la Sécurité sociale, adoptée chaque année par le Parlement, définit des enveloppes « fermées » (ne pouvant être dépassées) pour les différentes « branches » de la Sécurité (maladie, retraites, allocations familiales, accidents de travail).
Concernant la santé, les dépenses d’assurance maladie doivent respecter l’Ondam (Objectif national des dépenses d’assurance maladie). Il fixe le taux d’augmentation maximum des dépenses pour l’année à venir. Les enveloppes sont ensuite réparties entre l’hôpital, la médecine de ville et les autres postes. Au lieu de partir des besoins pour définir les moyens accordés, l’ONDAM procède à l’inverse : la satisfaction des besoins devra s’accommoder de moyens (insuffisants), fixés à l’avance.
Le pire est à venir
En 2023, l’augmentation des dépenses de santé devra rester inférieure à 3,9 % (4,1 % pour l’hôpital, 2,9 % pour la médecine de ville, 5,1 % pour les établissements et services pour les personnes âgées).
Le gouvernement a beau prétendre qu’il « préserve » ainsi les moyens de l’hôpital, ses propres chiffres le contredisent. L’inflation dépasse déjà les 5,9 % pour 2022. Elle sera selon les chiffres de Bercy de plus de 4 % en 2023.
Les années précédentes, avec une faible inflation, les directeurs expliquaient que la simple reconduction des moyens hospitaliers supposait une augmentation des budgets d’au moins 4,5 %. Avec une inflation galopante on sera donc très loin du compte. Les directeurs expliquent dès aujourd’hui qu’ils ne savent pas comment payer les frais de chauffage pour cet hiver.
Il n’y a aucune place dans ce projet pour la formation et le recrutement de personnel hospitalier supplémentaire, pourtant indispensable. Dans ces chiffres sont inscrits la poursuite des conditions de travail insupportables, des burn out, des fermetures de lits et de services faute de personnel, des attentes interminables aux urgences, de la déshumanisation du soin.
Quant aux Ehpad, le projet prévoit la création de 3 000 postes (soit moins de un poste pour trois établissements !) sur les 50 000 promis par Macron.
Le pire reste toutefois à venir, puisque le pouvoir a déjà programmé un Ondam encore plus faible pour la suite du quinquennat (2,7 les deux années suivantes puis à 2,6 en 2026/27). Selon le Haut Conseil des finances publiques cela « suppose une action résolue pour freiner la dépense […] dont les modalités ne sont pas documentées. »
Fausses promesses et vrais besoins
Tout projet de loi de financement de la Sécurité sociale doit contenir quelques mesures positives, censées valoriser la politique de santé du gouvernement. C’est le cas du PLFSS 2023. Outre des mesures pour le dépistage sans ordonnance de maladies sexuellement transmissible, il prévoit l’instauration d’un « parcours de prévention », avec trois rendez-vous de santé gratuits à 25, 45 et 65 ans, ainsi que l’accès gratuit à la contraception d’urgence pour les femmes majeures.
La « prévention » ne va toutefois pas jusqu’à anticiper la possible remontée de l’épidémie de covid, seule une somme dérisoire (600 millions pour la vaccination et 400 millions pour les tests) étant prévue.
Quant au déserts médicaux, la seule mesure retenue est l’instauration d’une année supplémentaire de stage pour les étudiantEs en médecine ayant choisi la médecine générale, stage qu’ils et elles seront « incités » à faire chez un médecin dans les zones sous-dotées libéral.
Le comble est atteint quand le ministre explique que ce stage sera l’occasion pour les futurs médecins « d’apprendre à gérer une entreprise », parce que « finalement, un médecin généraliste qui s’installe dans une zone sous dense, il gère un peu une entreprise avec des personnes autour de lui, assistant médical, infirmière, etc. » Les internes et étudiantEs en médecine ont immédiatement fait connaitre leur opposition à la mesure. Son premier effet risque d’être inverse à l’objectif revendiqué : réduire encore le nombre de celles et ceux qui choisiront la médecine générale.
Enfin, pour complaire aux députés LR dont les voix seront nécessaires à l’adoption du projet, un volet « lutte contre la fraude » a été mis en valeur.
C’est donc dès aujourd’hui que les salariéEs du secteur de la santé et de l’action sociale et l’ensemble du mouvement social et ouvrier doivent se mobiliser contre un projet de loi qui, s’il est adopté, va poursuivre et aggraver la destruction du système de santé.