Faute de médecins ou d’établissements de santé proches, l’accès aux soins devient problématique sur des territoires de plus en plus étendus, les « déserts médicaux », en secteur rural, mais aussi en banlieue.
Selon le gouvernement, 2 millions de personnes (plus de 3 millions selon le magazine Que choisir ?) sont concernées et les inégalités entre les territoires augmentent. Hollande en avait fait une de ses « priorités » que Marisol Touraine a traduite dans un « pacte territoire santé » dont le deuxième phase a été présentée fin novembre. Mais faute de s’attaquer aux causes, les remèdes de la ministre restent dérisoires.
L’exercice médical libéral en cause....
La création de la Sécurité sociale en 1945 ne s’est pas accompagnée de la création d’un service santé de proximité public et gratuit. Le service public reste pour l’essentiel cantonné à l’hôpital. La plupart des soins courants pratiqués « en ville » sont le fait des médecins libéraux généralistes et spécialistes, et des professionnels libéraux rémunérés pour l’essentiel à l’acte.L’un des piliers de la médecine libérale est la « liberté d’installation » : la possibilité d’exercer non là ou il y a des besoins, mais là où le praticien le souhaite, pour des raisons personnelles (conditions de vie et d’exercice). Conséquence de cette liberté : une répartition très inégalitaire des médecins libéraux, généralistes ou spécialistes1 sur le territoire. Ainsi , toutes spécialités confondues, il y a 378 médecins pour 100 000 habitants dans les Alpes-Maritimes, et 167 dans le département de l’Eure. On compte 97,9 généralistes pour la même population dans le Val-de-Marne, alors qu’on en trouve 197,22 à Paris. Dans les deux cas, c’est un rapport de plus de 1 à 2, et les disparités au sein de ces territoires sont encore plus grandes.La situation s’aggrave du fait du vieillissement du corps médical, des départs, et du manque d’attrait d’une médecine générale en crise.… aggravé par la disparition du service public de proximitéLa désertification est aussi la conséquence de la disparition organisée par les politiques d’austérité de l’hôpital public, dont les services urgences permettent à chacun d’accéder rapidement à des soins.Le choix fait par ce gouvernement est de poursuivre la fermeture des hôpitaux de proximité, en particulier de leurs urgences. Le rapport Grall paru en juillet dernier prévoit la suppression de 67 des 650 services d’urgence encore ouverts, soit plus de un sur dix, très souvent dans des secteurs déjà « désertifiés »...
Touraine, un emplâtre sur une jambe de bois
Dès lors, les mesures avancées dans son plan apparaissent dérisoires face à la gravité du mal. Faute de maintenir les services d’urgence, la promesse de Hollande – « aucun Français ne doit se trouver à plus de 30 minutes de soins d’urgence »– se traduit par le déploiement d’ici 2017 de 700 médecins « correspondants du Samu » !Faute d’un service public de santé de proximité (centres de santé), la ministre a proposé – sans grand succès – de garantir un revenu annuel de 55 000 euros aux médecins qui acceptent de s’installer dans les « déserts médicaux », et la loi Touraine prévoit de mieux coordonner les professionnels libéraux dans des « communautés professionnelles territoriales de santé ».Un emplâtre sur une jambe de bois, les seules réponses ne pouvant se trouver que dans une remise en cause de la médecine libérale à l’acte et dans l’attribution des moyens nécessaires au développement d’un service public de santé, à l’hôpital et dans la cité (centres de santé publics et gratuits).
J.C. Delavigne