Publié le Mercredi 3 janvier 2018 à 14h29.

Santé : toujours plus d’austérité et de privatisations

Retour sur l'année 2017. Nier la réalité : tel semble être, après sept mois, l’ultime recours pour Agnès Buzyn, ministre de la Santé, afin de justifier la politique d’Emmanuel Macron et de son gouvernement.

Le 19 décembre, elle affirmait ainsi sur Sud-Radio qu’il n’était pas question de « baisser les effectifs soignants » dans les hôpitaux. Au même moment était annoncée… la suppression de plusieurs centaines d’emplois dans deux des plus grands établissements du pays (à Paris et à Marseille) : deux exemples parmi tant d’autres, tandis que s’accélèrent les restructurations au sein des groupe-ments hospitaliers de territoire et les fermetures de services dans les -hôpitaux de proximité.

Hôpitaux sous pression

Les directeurs d’hôpitaux eux-mêmes ont lancé un cri d’alarme par la voix de la Fédération hospitalière de France (FHF) : « On demande aux établissements de ne pas toucher à l’emploi et à l’offre de lits, tout en réalisant toujours plus d’économies », a ainsi déclaré Frédéric Valletoux, président de la FHF, au Monde. 1,1 milliard d’économies budgétaires ont été demandées aux hôpitaux en 2017, et pour 2018 l’effort exigé sera encore accru : 1,6 milliard. C’est mission impossible ! Aussi le déficit des établissements se creuse-t-il. Il devrait être de 1,5 milliard d’euros en 2017, alors qu’en 2016 il se limitait à 470 millions. 

Le déni de la ministre touche aussi la situation des EHPAD (maisons de retraite médicalisées), où le gouvernement met en application les mesures décidées par ses prédécesseurs. Celles-ci vont priver les EHPAD publics de 200 millions d’euros de recettes alors que la situation est de plus en plus critique et aboutit à une véritable « maltraitance institutionnelle ». Les professionnelEs dénoncent les repas donnés en quelques minutes aux résidents, faute de temps, les toilettes faites à la hâte et pas tous les jours, la disparition des activités qui font la différence entre un lieu de vie et un mouroir.

Mais pour la ministre, dans une interview à Ehpad-magazine.com, « il ne faut pas, à partir de quelques situations que je déplore vivement, généraliser. »

Encore et toujours le déni.

Des déboires de Fillon au programme de Macron

On l’a parfois oublié mais les déboires de la campagne de F.Fillon, dont la victoire à l’élection présidentielle de 2017 semblait assurée, n’ont pas commencé avec les révélations des emplois fictifs concernant sa famille. Quelques semaines plus tôt, ses propositions sur la santé et la protection sociale avaient suscité un véritable tollé, y compris dans son propre camp. Le « candidat de la droite et du centre » avait ainsi annoncé la suppression de milliers de postes de fonctionnaires, y compris dans les hôpitaux, et la privatisation du remboursement des soins courants, le « petit risque ».

Macron et son équipe avaient, pour leur part, su percevoir l’enjeu de la santé dans cette campagne (première préoccupation des électeurEs selon certains sondages) : annoncer « du sang et des larmes » était politiquement suicidaire. Aussi le programme du candidat d’En marche a-t-il délibérément pris le contrepied de celui de Fillon : il promettait de développer la prévention, d’améliorer l’accès aux soins, de lutter contre les « déserts médicaux », de rembourser intégralement les soins dentaires et l’optique, et d’améliorer l’efficience du système de santé en le « décloisonnant ». Il affirmait aussi prendre en compte la tension insupportable dans laquelle travaillent les personnelEs hospitaliers, en promettant la remise en cause du mode de financement des hôpitaux fondé sur la rentabilité. 

La fin des faux-semblants

Une fois le pouvoir conquis, les masques sont vite tombés, et les faux-semblants de la « stratégie de santé » annoncée par Macron ont laissé la place à la réalité d’une politique d’austérité renforcée et de privatisation accélérée.

La généralisation du « tiers payant » a été reportée puis abandonnée, la lutte contre les « déserts médicaux » s’est résumée à quelques mesurettes dérisoires. Le remboursement des soins dentaires et de l’optique sera l’affaire des assurances complémentaires, et se fera a minima : « On n’est pas là pour payer des montures Chanel à tout le monde », a ainsi déclaré la ministre !

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a concrétisé pour 2018 la perspective des 15 milliards de réduction de crédits en 5 ans annoncée par Macron, dont l’hôpital est la première victime.

Si pour Buzyn, l’hôpital ne doit pas être une entreprise, c’est surtout parce que sa place doit changer dans le système de santé. Macron, à la suite de Sarkozy et de Hollande, entend réduire le service public hospitalier au rôle de simple béquille d’un système de santé piloté par les assurances et confié pour l’essentiel aux médecins libéraux et aux cliniques privées.

Dans la santé comme ailleurs, avec Macron, c’est bien la contre-réforme à tous les étages : une politique à -combattre, résolument.

Jean-Claude Delavigne