Anthony Smith, inspecteur du travail de la Marne suspendu depuis le 15 avril 2020 après avoir exigé la mise en œuvre de mesures de protection du personnel d’un association d’aide à domicile contre la Covid-19, passait en conseil de discipline ce 21 juillet 2020.
L’administration a annoncé la couleur : elle envisage soit une exclusion temporaire de trois mois sans salaire, soit une mutation d’office. La décision finale revient à la ministre du travail, Elisabeth Borne.
Ce niveau est particulièrement élevé dans l’échelle des sanctions applicables aux fonctionnaires et inédit au sein du ministère du travail pour des faits relevant de l’exercice de la mission de contrôle des entreprises, que l’administration tente de maquiller en détournement de fonction puisqu’elle reproche à Anthony d’avoir utilisé ses prérogatives pour appliquer l’orientation de son syndicat plutôt que les instructions de son ministère.
Mais surtout, il marque la volonté par l’administration d’expulser Anthony de l’inspection du travail, soit temporairement soit définitivement. Un premier message est lancé dans l’acharnement à vouloir sanctionner : les inspecteur-trices vont devoir se tenir à carreau s’ils-elles ne veulent pas subir un sort similaire, dans une opération qui ne consiste plus seulement à mettre au pas ou à entraver les agent-es qui, au quotidien, font l’inspection du travail, mais à les affronter et les en chasser. Dans cette optique, il n’y a aucun hasard dans le fait de s’attaquer à un dirigeant du syndicat majoritaire au ministère du travail, dont la ministre cherche à casser la légitimité.
Contradictoirement, l’administration montre son hésitation sur l’endroit où elle doit placer le curseur et sur la force du signal qu’elle doit envoyer aux agent-es de l’inspection du travail, ce qui renvoie en dernière analyse au rapport de forces qu’ils-elles, avec leurs syndicats, sont parvenu-es à créer en débordant largement du cadre du ministère du travail.
Le soutien à Anthony, en effet, ne faiblit pas. Pendant toute la durée du conseil de discipline, devant l’immeuble de la DRH où il était convoqué, se sont rassemblées à l’appel de l’intersyndicale CGT-SUD-FSU-FO-CNT plus de 500 personnes, mêlant agent-es du ministère du travail et personnalités du monde syndical, associatif et politique, qui ont pu s’exprimer lors d’un tour de parole (dont notre camarade Antoine pour le NPA). La pétition grand public n’est pas loin d’atteindre les 150 000 signatures. Au cours du conseil de discipline a été remis un appel public signé par 1 312 agent-es du ministère du travail, un chiffre aussi inédit que massif à l’échelle de nos services. La ministre du travail et ses directeurs d’administration centrale sont totalement discrédité-es, ils-elle ont contre eux une très grande majorité des agent-es de l’inspection du travail, ce qui peut rendre la situation explosive.
Anthony n’a commis aucune faute en demandant des protections au moment où éclatait le scandale de la pénurie de masques. Comme le souligne l’intersyndicale, c’est plutôt à la chaîne hiérarchique du ministère du travail de rendre des comptes : c’est elle qui s’est exécutée quand le président du conseil départemental a demandé la mise à l’écart d’Anthony ; c’est elle qui, par une manœuvre grossière, tente de renverser les responsabilités et de faire oublier l’incurie du gouvernement. Les agent-es du ministère du travail n’oublieront pas. C’est un premier résultat de la lutte, et pas des moindres, que d’avoir réussi à créer un vaste mouvement de solidarité et à remettre les choses à l’endroit, et c’est sur cet appui que la bataille continuera si la ministre passe outre et sanctionne.