Publié le Samedi 27 novembre 2010 à 12h11.

Contre la politique libérale et impérialiste

Le Portugal vient de connaître une semaine qui l’a placé au cœur de l’offensive diplomatique, militaire et financière des classes dominantes qui combine l’austérité et la rigueur contre les travailleurs et les classes populaires à l’offensive impérialiste contre les peuples. Au cœur aussi des révoltes, il est des luttes qui combinent le refus de payer les frais de leur crise et la contestation de la politique des grandes puissances pour maintenir leur ordre mondial, leur domination. Obama et Medvedev avaient fait le déplacement pour ce qui était annoncé comme « l’un des plus importants sommets de l’histoire de l’Otan ». Les maîtres du monde avaient en effet rendez-vous pour, dans la continuité du sommet de Strasbourg d’avril 2009, adopter leur stratégie à ces « temps incertains et dangereux du début du xxie siècle » selon les mots de Madeleine Albright. Et en particulier discuter de la coopération avec la Russie, clé d’une nouvelle politique d’alliance « variable et flexible » visant à élargir le vieux cadre de l’Otan issu de la guerre froide. Le redéploiement des grandes puissances sous la direction des USA cherchent à anticiper les effets de la crise économique qui déstabilise les rapports internationaux, exacerbe les tensions entre les nations, comme elle exacerbe les tensions entre les classes. Plus de 20 000 manifestantEs se sont retrouvéEs à Lisbonne le 20 novembre pour dénoncer « cette association de criminels » qu’est l’Otan, affirmer leur refus d’accepter les sacrifices alors que les gouvernements dépensent des milliards dans l’armement. Pour appeler aussi à la grève générale qui, à l’heure où paraît ce numéro, paralyse le Portugal. À l’appel de la CGTP et de l’UGT, des millions de travailleurs portugais sont en grève pour dire leur rejet de la politique d’austérité mise en œuvre par le gouvernement socialiste de José Socrates avec le soutien, au Parlement, de la droite. Ce nouveau plan drastique alimentera les profits des banques européennes qui détiennent la dette portugaise au prix d’une aggravation de la récession engendrant chômage, bas salaires, misère.L’austérité imposée aux peuples et le militarisme des grandes puissances participent d’une seule et même politique, celle des classes dominantes impérialistes qui veulent préserver leurs privilèges exorbitants. Une même politique à laquelle les travailleurs et les peuples opposent une autre politique qui défende leurs droits, les intérêts du plus grand nombre, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, leur coopération démocratique à l’échelle internationale. Nous ne paierons pas les frais de leur crise, nous ne paierons pas leur sale guerre !

Nouvelle stratégie, vieux objectifs

Le sommet de Lisbonne a entériné le nouveau « concept stratégique » de l’Alliance atlantique adapté au monde éclaté et instable né de la mondialisation libérale 20 ans après la fin de l’URSS. Constituée après la Deuxième Guerre mondiale sous la houlette des USA pour défendre les intérêts des grandes puissances face à l’URSS durant la Guerre froide, alliance politico-militaire des grandes puissances occidentales, l’Otan n’a plus le prétexte de la prétendue menace de l’URSS. Elle doit trouver de nouvelles justifications à son redéploiement dans le but de jouer les gendarmes du monde. Obama invoque « les défis sécuritaires du xxie siècle, de la prolifération des armes nucléaires jusqu’à la montée de la violence extrême ». Autant dire que le nouveau concept est suffisamment fourre-tout pour inclure tout ce qui pourrait aller à l’encontre des intérêts des grandes puissances. Sont cités la lutte contre « le terrorisme », la « concurrence pour le contrôle des ressources énergétiques et des voies d’acheminement », le contrôle de la prolifération nucléaire provenant « des pays lointains », les cyber-attaques, la piraterie maritime, la criminalité organisée… Il s’agit de justifier les pleins pouvoirs que l’Otan se donne elle-même au nom de la « Communauté internationale » pour étendre sa zone d’intervention hors des frontières des 28 pays de l’Alliance à l’ensemble du globe. Sa politique d’alliance se module en fonction de ce cadre, politique « flexible » selon les intérêts de ceux qui dirigent l’Otan, les USA. À capitalisme global, alliance globale... Elle vise à s’assurer des bases militaires sur tous les continents, accélérant la militarisation au prix d’une escalade de ses dépenses militaires qui représentent 75 % de celles de la planète, soit 1 000 milliards d’euros. Les USA y pèsent pour plus de la moitié ! Ces dépenses ne cessent d’augmenter pour le plus grand profit des multinationales de l’armement, des dépenses contre les peuples et les travailleurs. Un gaspillage éhonté au service du militarisme des puissances impérialistes.

« Ancrer la Russie à l’ouest »…

Cette formule prêtée à Angela Merkel renvoie à une géographie un peu particulière, celle que tracent les intérêts des grandes puissances. Si la Russie n’est pas plus à l’Est qu’à l’Ouest aujourd’hui qu’hier, la Guerre froide est finie, la chute du Mur de Berlin a ouvert les portes à une nouvelle géographie politique des alliances. « Le sommet de Lisbonne fournit l’occasion d’ouvrir un nouveau chapitre, d’enterrer les fantômes du passé », avait déclaré le secrétaire général de l’Otan lors d’une conférence de presse à Moscou où il était allé inviter le président russe au sommet. Dmitri Medvedev en était la vedette. Il a accepté l’ouverture de nouvelles voies d’approvisionnement pour les forces de l’Otan déployées en Afghanistan, une collaboration militaire qui se monnaie cher, 1 800 dollars le conteneur. Moscou fournira des hélicoptères à l’armée afghane. Mais surtout, ce que voulait Obama, c’était obtenir une coopération russe sur son projet de défense antimissile en Europe justifié par la menace éventuelle constituée par l’Iran. Moscou craignait de se prêter à une manœuvre qui se retourne contre la Russie, que le réseau d’alliance qui s’organise autour du « bouclier » ne se fasse à son détriment. Mais la réalité des rapports de forces ne lui laissait guère le choix que d’aller plus avant dans la voie de la coopération voulue par Obama, d’autant que l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine est remise à plus tard.

Imposer le retrait des troupes d’Afghanistan

« Nous l’emporterons en Afghanistan » fanfaronne Rasmussen, le Secrétaire général de l’Otan. Derrière les rodomontades, l’échec des USA en Afghanistan est évident. Les armées d’occupation s’enlisent dans le bourbier d’une occupation sans issue. L’année 2010 a été la plus meurtrière des neuf années d’occupation. L’envoi de renforts décidé par Obama sous couvert de permettre une victoire qui aurait rendu possible le retrait des troupes n’a en réalité fait qu’aggraver l’instabilité de la région. De plus en plus, les multiples déclarations officielles, en particulier américaines, sur le retrait des 120 000 soldats, initialement annoncé pour juillet 2011 et renvoyé à 2014, ressemble à un leurre au service de la propagande. Mais pas plus que le retrait en Irak n’est réel et complet, le retrait d’Afghanistan n’est possible, du point de vue des intérêts impérialistes. Le général Petraeus, commandant des forces de l’Otan, multiplie les opérations « Kill or capture ». « La stratégie est de rendre la vie infernale aux insurgés, afin de les pousser à accepter les offres de réconciliation politique du président Karzaï » selon le Pentagone. Ce serait la première phase du plan adopté à Lisbonne, affaiblir la résistance et consolider l’armée afghane, puis intensifier la reconstruction du pays et lancer la transition pour 2014. « Transition ne signifie pas retrait, précise un membre de l’état-major américain. Après 2014, nous serons engagés dans un partenariat de longue durée ». Le régime réactionnaire et corrompu de Karzaï ne tient que grâce à l’occupation. L’aide civile représente, depuis 2001, 7 milliards de dollars alors que la guerre a coûté 140 milliards. Elle profite pour l’essentiel aux sociétés capitalistes américaines et européennes qui on remporté de juteux contrats. La population vit dans la misère. Le plan adopté à Lisbonne est bien incapable d’aboutir au retrait annoncé qui n’est qu’un mirage pour duper l’opinion publique. Le but même de la guerre est d’installer des bases de l’Otan pour le long terme. Le retrait des troupes d’occupation et le droit des peuples d’Afghanistan à disposer d’eux-mêmes, il faudra les imposer, les conquérir.

Le militarisme contre la démocratie

Le militarisme et les libertés démocratiques les plus élémentaires, comme le droit de se déplacer et de manifester, ne font pas bon ménage. Le gouvernement portugais l’a démontré une fois de plus en réprimant et en expulsant les militantEs venuEs protester contre le Sommet de l’Otan. Ayant provisoirement suspendu les Accords de Schengen sur la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne, la police portugaise a refoulé au moins 150 participantEs, dont un autobus venu de la lointaine Finlande et un autre venu de Madrid, composé de camarades d’Izquierda Anticapitalista (Gauche anticapitaliste) dans l’État espagnol et par l’organisation Ecologistas en Accion. D’autres militantEs venuEs de France ou d’Italie, ont été refouléEs et expulséEs dès leur arrivée à l’aéroport de Lisbonne, la police ayant trouvé des tracts ou des appels contre l’Otan dans leurs bagages...

Yvan Lemaitre