Publié le Lundi 16 novembre 2009 à 19h51.

Interview de Sébastien Osman, 32 ans, postier à Martigues.

Il aura fallu 24 jours de grève de la faim pour Sébastien et 26 jours de grève des quelques 30 facteurs martégaux pour que les agents du service public soient enfin écoutés et entendus par la direction de La Poste.

Quels sont les problèmes que vous rencontrez dans votre bureau de Poste de Martigues ?

Depuis plusieurs mois, une nouvelle organisation a été mise en place afin d’accroître la productivité et la rentabilité du service postal. Et ceci se fait sans considération aucune ni pour les usagers, ni pour les travailleurs. Les cadences de tri sont en augmentationconstante, les heures supplémentaires demeurent impayées et la diminution du nombre de tournées, qui correspond à une perte de neuf à dix emplois, surcharge de nouveau les facteurs déjà débordés. À cela s'ajoute un management local très brutal(intimidations, pression morale, mise à pied, retrait de service, licenciement sec…) envers nous qui tentons de nous mobiliser contre la privatisation progressive de ce service public.

Me concernant, j’ai été mandaté il y a plusieurs mois par le syndicat Sud-PTT 13 pour la négociation d'un éventuel accord avec notre direction. Refusant de signer leurs propositions scandaleuses, j'ai convaincu l’ensemble du personnel de refuser de se soumettre. Le climat devenant de plus en plus tendu, et afin de m’écarter de mon lieu de travail, j’ai fait l’objet d’un retrait de service de quatre mois. Quant à Fabien, il a été licencié pour un jour de congé requalifié par le directeur en absence irrégulière! Il ne fait pas de doute que la direction s’est montrée particulièrement répressive et s’est servie de Fabien et moi pour «montrer l’exemple» et dissuader tout le monde d’entamer un mouvement de grève.

Quels ont été vos réponses face à cette situation ?

Le lundi 12 octobre ,la quasi-totalité des facteurs de Martigues, sur un préavis Sud, se mettent en grève pour la reconnaissance par la Poste du travail supplémentaire (non payé jusqu’alors) engendré par la restructuration actuelle, ainsi que pour la réintégration et la réhabilitation de Fabien et moi. Il y a quelques mois, à Marseille, des postiers ont lutté pendant 58 jours ! La direction est restée inflexible et les postiers n’ont pas obtenu gain de cause. Je me suis dis que seul un geste plus radical les forcerait a négocier. Deux jours après le début du mouvement de grève, j’ai décidé d’entamer une grève de la faim et de dormir sur le parking, d’abord dans ma voiture, puis dans un camion de location. Je ne voulais pas seulement qu’ils sachent que j’avais arrêté de m’alimenter, je voulais qu’ils me voient dépérir sous leurs yeux !

Comment s’est soldé le conflit ?

Après 25 jours de grève de presque toute l’équipe et 24 jours de grève de la faim pour moi, les négociations ont enfin abouties. Au final, nous sommes plutôt satisfaits de l’issu du conflit. Nous avons obtenu: le principe de reconnaissance et le paiement d’une partie de nos dépassement horaires, le gel de l’organisation « Facteur d’avenir » jusqu’au 3 janvier 2010, la création d’un groupe de travail qui pourra permettre de réajuster le temps de travail théorique au temps de travail effectif. PFabien, postier licencié, le financement d’une formation professionnelle. Pour moi, l’engagement de La Poste que mon conseil de discipline soit juste et que soit pris en compte les « fautes » de management du directeur du centre courrier de Martigues.

Quelles leçons avez-vous tirées de votre lutte ? Durant ce conflit, notre plus grande victoire a sans aucun doute été le lien fort qui s’est créé entre tous les facteurs. On a pris le temps de sortir la tête de nos casiers, pris le temps de se parler, de se connaître; bref, de nouer de véritables relations humaines que les cadences infernales ne nous permettent pas de faire! Durant toute ma grève de la faim, mes collègues se sont relayés sur le parking de La Poste. Ils faisaient les trois huit pour ne pas me laisser seul dans mon camion. Ceci a créé une véritable cohésion entre nous. Nous (et la direction!) savons qu’à l’avenir nous serons tous soudés. Enfin, des soutiens nous sont parvenus de toutes parts: usagers, collègues, partis politiques, associations… Autant de personnes qui venaient apporter de la nourriture, un soutien financier ou encore nous soutenir moralement. Nous avons tous été très surpris par cette solidarité de la part d’«inconnus». Cela a énormément compté pour nous, nous a convaincus que notre lutte était justifiée et nous a encouragés à continuer notre combat.

Propos recueillis par Géraldine GRIMAUD