Publié le Lundi 21 juin 2021 à 16h49.

Mobilisation des territoriaux de Paris, fin du premier round

Le 18 juin 2021 s’est tenu le comité technique (instance de « dialogue social » réunissant représentants de l’employeur et des salariés) autour des modalités d’application du volet « temps de travail » de la loi de transformation de la fonction publique.

Le bilan peut se résumer en quelques mots : il s’agit pour les 60 000 agents de la collectivité d’un recul historique, avec une augmentation conséquente du temps de travail, mais la mobilisation des agents a permis de limiter la casse en imposant quelques reculs sur le projet initial.

Emergence d’un « secteur en lutte »

Ce n’est qu’au mois de mars, après la deuxième journée de mobilisation appelée par une intersyndicale large (tous syndicats sauf CFDT) derrière le mot d’ordre « pas une minute de plus », que la Ville a annoncé la façon dont elle comptait appliquer le passage aux 1607 heures annuelles : en supprimant 8 jours de congés. La maire de Paris s’en est justifiée dans ces termes : « en tant que légaliste, je n’ai d’autre choix que d’appliquer la loi ». Omettant au passage qu’elle en profitait aussi pour taper dans les temps de pause et en glissant quelques autres escroqueries, que la dite loi n’impose pas.

Les appels de l’intersyndicale ont permis des mobilisations importantes en comparaison aux dernières années, surtout au regard des restrictions sanitaires (impossibilité de tenir des réunions, nombreux collègues en télétravail, en autorisation d’absence pour vulnérabilité, services désorganisés, etc.). Mais la construction à la base du mouvement a été la question clé  Quelques secteurs ont entamé des débrayages d’une heure par jour sur la semaine complète, dans les écoles notamment, ou plus ponctuellement dans des EHPAD et des musées. Le 25 mai, plusieurs centaines d’éboueurs ont envahi l’Hôtel de Ville, et la « grève des poubelles » s’est ressentie ponctuellement dans certains arrondissements. Le faible nombre de militants syndicaux construisant à la base, et le refus de l’intersyndicale d’organiser des assemblée générales, se contentant d’appels syndicaux par en haut, n’ont pas permis de gagner de l’ampleur.

Quelques reculs arrachés par la grève :

Si le rapport de force a été insuffisant pour obtenir la compensation complète des 8 jours de congés supprimés, on peut mettre au crédit des grévistes et de l’intersyndicale d’avoir arraché la création d’une sujétion de 3 jours pour tous les agents, c'est-à-dire une diminution du temps de travail pour compenser la pénibilité « liée à l’environnement et à l’intensité du travail dans la ville capitale ». La création de cette « sujétion universelle » était une revendication de longue date de l’intersyndicale, à laquelle la Ville opposait systématiquement le principe d’illégalité. La Ville a également reculé partiellement sur la diminution des temps de pause et sur l’utilisation des RTT.

L’image politique d’Anne Hidalgo en jeu.

L’agenda politique d’Anne Hidalgo « présidentiable » l’a rendue fragile face à la menace d’une mobilisation qui l’attaquait sur une question aussi sensible que le temps de travail. Elle a dû renoncer par deux fois à se rendre à des meetings où l’attendaient quelques poignées de grévistes avec banderoles et slogans. Pour justifier le recul social infligé à ses agents, l’exécutif parisien n’a pas trouvé d’autre argument que les contraintes légales, renonçant à toute bataille politique, et cherchant même à se placer en « protecteur des agents » pour avoir pris le soin de leur lâcher quelques compensations. Il serait tout à fait cruel de rappeler que la seule augmentation du temps de travail depuis 150 ans fut l’œuvre du gouvernement de Pétain, le parallèle s’arrête là. N’empêche, Hidalgo a eu du bol que le mouvement ne soit pas plus visible, parce qu’aller briguer les voix des français, dont 2 millions de territoriaux, en prétendant incarner le progrès social quand on fait tout le contraire en tant qu’employeur, c’est pas gagné…

A très courte échéance, on verra comment Hidalgo va faire passer Conseil de Paris ce recul social : en accord avec les groupes PCF, EELV et GénérationS, qui font partie de la majorité municipale ou en s’appuyant sur le groupe LREM ?

Dans une période de crise généralisée, sanitaire, économique, sociale, mais aussi idéologique, il apparait clairement que cette gauche de gestion, qui assume ses renoncements sur le seul argument du « moins pire qu’en face » n’est pas en mesure de combattre l’extrême droite. La lâcheté politique ne convaincra pas notre camp social.

Perspectives.

Le résultat des votes en comité technique du 18 mai est un échec retentissant pour la Ville. Hormis la CFDT qui s’est abstenu, toutes les organisations syndicales ont voté contre le texte qui sera présenté au conseil municipal de juillet. A l’automne, la question des cycles de travail sera discutée dans les comités techniques de chaque Direction de la Ville. Il s’agira alors de relancer la mobilisation, sur la question des sujétions spécifiques à chaque métier. La mobilisation a en effet permis l’émergence de revendications et l’éveil d’une partie des collègues, particulièrement celles et ceux qui ont été en première ligne depuis 15 mois, et sentent clairement que les nouveaux rythmes de travail ne seront pas tenables. Elle a également permis de populariser des mots d’ordre sur les liens entre la question du temps de travail et celles de l’avenir des services publics, du chômage de masse, de l’écologie.

On le sait depuis 200 ans, la lutte pour la diminution du temps de travail et le partage du travail ne s’arrêtera pas… tant qu’on n’aura pas gagné !