L’avant-projet de réforme du code de procédure pénale, présenté par la ministre de la Justice le 2 mars, confirme la confiscation totale de la Justice par le pouvoir exécutif, le refus de donner plus de droits à la défense et l’absence de limitation des mesures privatives de liberté. Les dénonciations de la multiplication des gardes à vue et de leur déroulement avaient suscité des déclarations solennelles de la garde des Sceaux sur la nécessité d’une réforme. Or, il n’y a pas de modification profonde à ce sujet, si ce n’est la création d’une « audition libre » de quatre heures qui n’est ni plus ni moins qu’une nouvelle forme de garde à vue mais complètement dépourvue de droits. La notification du droit au silence, instaurée en 2001 et supprimée en 2003, n’est pas réintroduite. Le texte prévoit de communiquer à l’avocat les seuls procès verbaux d’audition de la personne gardée à vue et non l’entièreté du dossier. L’assistance de l’avocat aux auditions ne se fera qu’à partir de la 24e heure au lieu de la 20e aujourd’hui. Les régimes dérogatoires en matière de criminalité organisée et de terrorisme sont maintenus, il est ainsi toujours prévu de différer systématiquement l’intervention de l’avocat. La disparition du juge d’instruction est confirmée et on voit apparaître un juge de l’enquête et des libertés, qualifié à juste titre par le Syndicat de la magistrature de « juge à tout faire ». Le parquet se voit confier toutes les enquêtes pénales, notamment les plus sensibles, sans aucune modification de son statut. En clair, il reste en lien très étroit avec le pouvoir exécutif. Les auteurs du projet écrivent que les magistrats du parquet ne devront pas « exécuter des instructions individuelles qui seraient contraires à l’exigence de recherche et de manifestation de la vérité et de conduite des investigations à charge et décharge ». C’est évidemment du pur cynisme quand on sait que la carrière des procureurs dépend du garde des Sceaux. Par ailleurs, le juge des enquêtes et des libertés ne sera saisi que si le parquet envisage contre la personne mise en cause une mesure privative ou restrictive de liberté. Dans le cas contraire, il n’y aura pas un juge de l’enquête et des libertés spécifiquement saisi pour suivre l’enquête. Par contre, les officiers de police judiciaire seront chargés de la quasi-totalité des auditions des personnes mises en cause, y compris parfois de « l’interrogatoire de notification de charges », l’équivalent de la mise en examen réalisée aujourd’hui par les seuls juges d’instruction. C’est la confirmation des politiques visant à donner toujours plus de pouvoir aux policiers. Derrière cette disparition du juge d’instruction, c’est la possibilité d’instruire des dossiers politiquement sensibles qui disparaît. Les particuliers et associations ne pourront plus saisir directement un juge et seul le ministère public décidera des suites à donner aux plaintes. Ce projet prévoit aussi une redéfinition de la prescription. Pour les délits d’abus de biens sociaux, il est prévu que le délai de prescription commence à courir à partir de la commission des faits et non plus à partir de la découverte de l’infraction comme aujourd’hui. En clair, les milieux d’affaires peuvent se frotter les mains car la découverte des abus de biens sociaux demande du temps. Par contre, les délais de prescription passent en matière criminelle de 10 à 15 ans et de 3 à 6 ans pour la majorité des délits. Le 9 mars, l’ensemble des acteurs de justice s’est mobilisé contre cette réforme de la justice.Anne Leclerc
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