Entre les prétendues « bavures » à l’origine de morts, dans les commissariats ou ailleurs, et les flics qui se prennent pour des voyous, la police française est jour après jour impliquée dans des scandales qui en disent long sur l’état de notre démocratie.
On juge, paraît-il, le degré de démocratie d’un pays, à l’état de ses prisons. Nous pouvons y ajouter le fonctionnement de sa justice et de sa police. Au cinquantième anniversaire du crime d’État commis par la police à Paris le 17 octobre 1961, l’impunité dont ont bénéficié ses auteurs, qu’ils soient des hommes politiques, grands commis de l’État, ou de simples policiers, démontre le statut particulier dont jouit la police.
Mais ce qui est vrai pour ce crime d’État particulièrement odieux, peut se vérifier chaque jour, dans les prétoires. Aujourd’hui, les poursuites de policiers suivies de condamnations des auteurs de bavures sont rares, laissant aux habitants des quartiers populaires un goût amer d’injustice, de partialité et de permis de tuer donné par l’État à sa police. Ce traitement particulier dont bénéficient les policiers dans ce pays, les amène en toute logique à déroger, le plus souvent impunément, aux règles auxquelles sont soumis les autres citoyens. Habitués à la mansuétude des parquets et à la « couverture » de leurs ministres de tutelle, de droite comme de gauche, la liste serait trop longue à dérouler, des débordements des services de police… Rainbow-Warrior, Irlandais de Vincennes, écoutes téléphoniques au Canard enchaîné, sans compter la toute récente mise en cause du chef de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) Bernard Squarcini dans l’affaire des fadettes (factures détaillées), qui vient d’être mis en examen pour « atteinte au secret des correspondances, collecte illicite de données et recel de violation du secret professionnel »…
PorositéL’arrestation, la mise en examen pour, excusez du peu, « corruption, trafic d’influence, association de malfaiteurs et trafic de stupéfiants » puis la mise en détention du numéro deux de la police judiciaire de Lyon, maintenue en appel ce vendredi 14 octobre, illustre parfaitement le décalage entre la police et le reste de la société. Michel Neyret, flic médiatique, récente vedette de l’émission à sensation « Zone interdite » sur M6, menait grand train. Un flambeur… comme dans les films ! Grosses bagnoles, boîtes de nuit, fréquentations du milieu « pour le métier ! » compte en Suisse au nom de sa femme, l’ont conduit à franchir la ligne rouge qui le séparait de ceux qu’il était supposé combattre. Certes, ce n’est pas une première, il y a eu avant lui le commissaire Jobic, tombé à la suite d’une enquête de gendarmerie, puis ce commissaire, lyonnais lui aussi, devenu protecteur de plusieurs maisons closes ou ces policiers liés au « gang des postiches ». Mais pour quelques affaires connues du grand public, combien se terminent par de « petits arrangements entre amis » ? Et Guéant peut bien nous faire son numéro de vierge effarouchée et dire qu’« il ne faut jamais faire quoi que ce soit d’illégal », nous savons que la réalité est beaucoup plus crue. Car si une partie de la haute hiérarchie de la police est corrompue, qu’en est-il de l’ensemble de la structure ? Quels sont les garde-fous qui protégeraient la chaîne de responsabilité, du flic de base au plus haut gradé ?
Pauvre Guéant, comme un malheur n’arrive jamais seul, un autre scandale impliquant sa police, aussi glauque que celui que nous venons d’évoquer, vient d’être rendu public ce week-end. Il s’agit de la découverte à Lille, d’un « vaste réseau de proxénétisme » dans lequel seraient impliqués un célèbre avocat, des hôteliers, des entrepreneurs et des policiers locaux, dont un commissaire divisionnaire à l’identité non encore divulguée. Il est encore trop tôt pour mesurer l’ampleur de cette nouvelle affaire et les répercussions qu’elle pourrait avoir dans une mise en cause plus globale de l’institution policière. Pourtant, bien des similitudes rattachent celle-ci à la première. D’abord, la porosité évidente entre la pègre et certains policiers, que ce soit à Lyon ou à Lille. Ensuite, le nombre important de personnes impliquées. Puis… un gros doute s’installe lorsqu’on découvre que ce « haut responsable policier » lillois, n’est autre qu’un ancien collègue… de Michel Neyret mis en examen à Lyon !
À sept mois d’une élection qui s’avère hautement périlleuse, l’UMP et Sarkozy se passeraient volontiers d’un énorme scandale impliquant une des institutions chéries entre toutes par la droite. Ne manquant jamais à l’appel pour passer la brosse à reluire à sa toute dévouée flicaille, Sarkozy, longtemps ministre de l’Intérieur, aura dans les semaines qui viennent beaucoup de difficultés à en faire un argument électoral. Décidément, les « bœufs carottes » et les journalistes auront pour quelques temps du pain sur la planche !
Alain Pojolat