Paris fait partie des villes qui se sont portées volontaires pour, dès cette rentrée, introduire trois heures de classe le mercredi matin, heures retirées les autres jours de la semaine. Les premiers jours d’école révèlent le potentiel destructeur de cette réforme.
Quelle surprise pour les élèves de terminer, du lundi au vendredi, successivement à 16h30, 15h, 11h30, 16h30 puis 15h avec des adultes différents, et cela sans récréation les mardi et vendredi car la mairie de Paris ne respecte pas le taux d’encadrement légal et veut éviter les accidents dans la cour…
En maternelle, après avoir découvert leur enseignantE, avoir beaucoup pleuré, les élèves ont eu la surprise de le/la voir remplacéE par des agents de la ville. Ceux qui au contraire quittaient l’école à 15h le mardi et le vendredi ont a nouveau versé des larmes lorsque, ce lundi 9, au réveil de la sieste, ils ont su que ce n’était pas encore « l’heure des parents », c’est-à-dire la fin de l’école...
Certaines activités prévues après 15h ont déjà dû être annulées faute d’intervenant. Dans certaines écoles des quartiers populaires, les mêmes associations organisent gratuitement à 15h, des activités qu’elles proposent payantes à 16h30... C’est le désordre le plus complet, pour une réforme qui coûte à Paris 80 millions d’euros !
Profondément inégalitaire
Le ménage des classes n’y est plus assuré qu’a minima en raison de l’utilisation constante des salles, et les agents de la ville doivent effectuer tout le nettoyage le samedi matin de 7h à 13h : une tâche colossale… Et les cours d’école ne sont plus nettoyées le matin.
La réforme parisienne est particulièrement ridicule, mais les millions engagés permettent au maire Delanoë de faire bonne figure par rapport à d’autres communes, particulièrement celles des zones rurales. Là, la pause du midi est allongée, les élèves stagnant trois heures dans la cour. Certaines activités sont gratuites (parfois une simple garderie sans activité culturelle) et d’autres payantes. La réforme montre ainsi sa dimension profondément inégalitaire, alors même que des millions d’euros ont été déployées en 2013-2014 pour faire passer la pilule. Celle-ci risque d’être particulièrement amère lorsque les financements ministériels disparaîtront.
Même dans les communes les plus riches, les conséquences sont désastreuses. En effet, à côté du slam, de l’éveil rythmique, des jeux sportifs, on trouve de la musique, des arts plastiques, de l’anglais, des sciences… Il s’agit de matières habituellement enseignées à l’école par des enseignants formés, avec un statut (congés, sécurité de l’emploi, temps de préparation…) et un salaire bien supérieur.
Casse du cadre national de l’éducation
La pression est dès maintenant très forte pour coordonner les enseignements effectués par les professeurs et le périscolaire. La boîte de Pandore est ouverte : il n’y a plus de différence entre ce qui est enseigné par l’Éducation nationale et les temps éducatifs assurés par les communes (qui sous-traitent elles-mêmes à des associations privées...). La concurrence créée entre ces différents niveaux sert à introduire des méthodes de gestion privée dans le service public (concurrence entre les communes, entre les écoles, salaires réduits, CDD, vacances non rémunérés…) (1).
Si le gouvernement souhaitait proposer des activités culturelles et sportives de qualité à tous les élèves, pourquoi ne pas avoir simplement sollicité des associations et des personnels formés avec un statut décent le mercredi matin ?
La réforme est un coin inséré dans le cadre national de l’éducation et dans le statut des enseignants. Une attaque qui fait suite aux importantes dégradations des conditions de travail des enseignants ces dernières années, à la casse de la formation initiale et du recrutement, à la réduction de la formation continue.
Les enseignants de Paris ne s’y sont pas trompés, en se mobilisant par milliers l’an dernier (90 % de grévistes, un personnel sur six réuni en réunion syndicale…). Il faut maintenant espérer que la mobilisation se construise dans les 80 % de communes qui ont reporté leur passage aux nouveaux rythmes scolaires à la rentrée prochaine et que nous puissions construire une mobilisation nationale contre les réformes d’un ministre dont la « refondation » apparaît de plus en plus comme la continuité des gouvernements précédents.
Pour en savoir plus :
- Lire l'excellente lettre ouverte de Sud éducation Paris.
- Ecouter l'émission de Radio libertaire.
1. Collectif, La nouvelle école capitaliste, La Découverte, 2012, 13 euros