Le 28 novembre, un reportage du 20 heures de France 2 (« Sous-traitance, la face cachée de La Poste »), dont nous conseillons d’ailleurs vivement le visionnage, jetait une lumière aussi crue que pertinente sur la réalité du « modèle social » dont se gargarisent les dirigeants de La Poste.
En un peu plus de 6 minutes, le journaliste auteur de l’enquête, qui a réussi à se faire embaucher par un sous-traitant de Coliposte, démontre, images à l’appui, qu’en recourant massivement à la sous-traitance, La Poste tombe tout simplement dans l’illégalité.
Un rythme de travail effréné
Cela fait des années que le plus grand employeur en France après l’État a généralisé cette pratique, au point qu’aujourd’hui 75 % des colis livrés en Île-de-France le sont par des sous-traitants. Du point de vue patronal, l’intérêt de cette opération de dumping social interne est évident : là où les agents de La Poste sont payés à l’heure, les salariéEs des sous-traitants le sont au colis effectivement livré. Pour atteindre un salaire de 1 500 euros, ce sont environ 150 colis qu’il faut livrer, ce qui se traduit tous les jours par un rythme de travail effréné, sans pause, 6 jours sur 7.
Pire, les journées de travail peuvent tout simplement ne pas être rémunérées, sous prétexte de « formation », comme cela a été le cas pour le journaliste. Ce même journaliste n’a par ailleurs même pas signé de contrat de travail, ce qui est courant… Ces pratiques, dénoncées par des organisations syndicales comme SUD et la CGT, peuvent conduire à de véritables drames. En 2013 Seydou Bagaga, salarié non déclaré d’un sous-traitant, se noie en tentant de récupérer un colis tombé dans la Seine, alors qu’il devait le livrer sur une péniche.
Des cadres de La Poste, et l’entreprise elle-même en tant que personne morale, sont mis en examen, pour prêt illicite de main-d’œuvre et délit de marchandage (l’instruction a été close il y a peu). En effet La Poste ne se conduit pas tant comme un donneur d’ordres que comme un véritable patron. Dans certaines agences Coliposte, les postierEs sont en fait quasi exclusivement des cadres, chargés de contrôler le travail des salariéEs des entreprises sous-traitantes, quitte à les menacer de les virer. Sauf que quand il s’agit de se conformer à ses obligations d’employeur, La Poste se défile et se décharge de ses responsabilités. Elle n’a d’ailleurs pas changé ses pratiques d’un iota depuis le drame de 2013, comme le montre clairement le reportage.
L’État (qui reste l’actionnaire principal de l’entreprise à capitaux 100 % publics) n’est pas le dernier à s’inviter à ce bal des faux-culs puisque, plusieurs fois alerté sur le sujet, il continue invariablement de regarder ailleurs.
Edouard Gautier