Le projet de budget pour 2011 s’inscrit dans l’offensive du gouvernement pour faire payer la crise aux couches populaires.«Courageux » pour la ministre de l’Économie Christine Lagarde, « historique » pour son collègue François Barouin, le projet de budget pour 2011 et la programmation des finances publiques de 2011 à 2014, présentés au conseil des ministres du 29 septembre dernier, prétendent faire tomber le déficit public de 7,7 % du produit intérieur brut (PIB) à 6 % en 2011 et à... 2 % en 2014. Passons sur le fait que le gouvernement table, pour arriver à ce résultat, sur « l’amélioration de la conjoncture économique ». Le budget 2011 est calculé à partir d’une hypothèse de croissance de 2 % en France, supérieure à celle prévue dans l’ensemble de la zone euro, et qui ne tient compte ni du ralentissement de l’économie américaine ni des nouveaux accès de la crise financière qui se manifestent en Europe, en particulier en Irlande. Mais qu’à cela ne tienne, en parlant de « sortie de crise accélérée », ou de « poursuite des créations d’emplois », c’est un tableau sinon idyllique, du moins grossièrement mensonger, qu’a brossé Lagarde, toute à sa satisfaction de présenter des comptes qui peuvent répondre aux exigences des agences de notation financière. Car l’essentiel, c’est la « maîtrise des dépenses publiques », autrement dit la réduction des dépenses de l’État utiles à la population.Les deux ministres écartent toute « idée de hausse généralisée des impôts ». Pas question de remettre en cause la politique menée depuis des années par l’État au bénéfice exclusif d’une minorité ultra-privilégiée qui a creusé le gouffre de la dette publique. Ces avantages représentent aujourd’hui plus de 1 500 milliards d’euros : exonération des cotisations sociales jusqu’à 1,6 fois le Smic (23 milliards d’euros en 2009), abaissement de la plus haute tranche de l’impôt sur le revenu de plus de 52 % à 40 % en moins de dix ans, invention en 2007 du bouclier fiscal qui limite le montant des impôts à 60 % puis 50 % des revenus, et toutes sortes d’autres dispositifs qui permettent à Bettencourt et à la plupart des grosses sociétés du CAC40 de n’être imposées tout à fait légalement qu’à 9 % de leurs revenus... Il faut ajouter à ces cadeaux les subventions énormes accordées aux banques et aux multinationales depuis le début de la crise, de même que les intérêts de la dette qui se montent chaque année à 45 milliards d’euros environ et qui enrichissent ceux-là mêmes en faveur de qui l’État s’est endetté. Quinze jours avant l’annonce de ce budget, on apprenait que 679 millions d’euros venaient d’être reversés, au titre de l’impôt 2009, aux 18 764 bénéficiaires du bouclier fiscal. Un peu plus d’un millier d’entre eux ont touché en moyenne 362 000 euros. Tout un symbole ! Pour autant, le gouvernement aimerait faire croire que les sacrifices seraient également partagés. C’est ainsi que la plus haute tranche de l’impôt sur le revenu est portée de 40 à… 41 % dans la réforme sur les retraites. Une peccadille bien incapable de donner le change. Même chose avec le « coup de rabot » que le gouvernement prétend opérer sur les niches fiscales mais en choisissant celles que n’utilisent pas ou peu les plus riches. Et Fillon parle même aujourd’hui de la suppression du bouclier fiscal... mais c’est pour avancer celle de l’impôt sur la fortune. Par contre, la majorité de la population sera touchée par la suppression des 31 638 postes de fonctionnaires, dont 16 000 dans l’Éducation nationale, ou par le gel des dotations de l’État aux collectivités locales, qui auront des répercussions graves sur les services publics. Alors que par le biais de dépenses non comptabilisées dans le budget 2011, notamment les 35 milliards du grand emprunt, la Recherche et la Défense sont richement dotées. De quoi servir aux besoins des multinationales. Un pouvoir des riches au service des riches : cette évidence se manifeste à des couches de plus en plus larges de la population. Elle suscite la contestation, renforce la mobilisation. Elle nourrit, à terme, l’exigence d’un autre pouvoir, en rupture avec cet État et le système, un pouvoir démocratique des travailleurs pour les travailleurs, pour la population, pour le plus grand nombre. Galia Trépère