Comme chaque année, l’Insee a publié les « Tableaux de l’économie française », un utile recueil de données économiques et sociales. Impossible d’en faire ici une synthèse, on se contentera d’en extraire quelques informations frappantes.
Incontestablement, les conditions de travail des salariéEs se dégradent. Le travail à temps partiel croît depuis plusieurs dizaines d’années, notamment chez les travailleurs peu qualifiés. En 2014, le taux de temps partiel est de 19 %, contre moins de 10 % il y a 30 ans. Il concerne 31 % des femmes et 8 % des hommes. Dans une forte proportion (43 %), le temps partiel est subi. La proportion de personnes concernées par des horaires atypiques a légèrement progressé en un an. 1 actif sur 4 a travaillé le soir au moins une fois au cours du mois précédant l’enquête menée en 2014, 1 sur 10 la nuit, 4 sur 10 le samedi, 2 sur 10 le dimanche. La preuve que la « rigidité » du code du travail est toute relative et n’empêche pas les patrons de perturber la vie personnelle des salariéEs...
Le taux de pauvreté a reflué légèrement en 2013 : le nombre de personnes ayant un niveau de vie inférieur à 60 % du niveau médian est de 14 % (– 0,3 points). Il reste néanmoins supérieur à celui d’avant crise (13 % en 2008). La pauvreté frappe avant tout les jeunes (19 % des moins de 30 ans), et davantage les femmes (14,3 % contre 13,6 % pour les hommes).
Un indicateur reflète la situation sociale dégradée. Malgré les progrès de la médecine, l’espérance de vie a reculé en 2015 aussi bien pour les femmes (– 0,4 an) que pour les hommes (– 0,3 an).
Plein emploi... Où ça ?
La situation est souvent bien pire ailleurs. La France reste encore un des pays les moins inégalitaires et où les conditions de travail sont le moins dégradées. Même si des pays comme l’Allemagne ou les États-Unis affichent des taux de chômage officiels autour de 5 %, une réalité sombre se cache derrière ces chiffres. En Allemagne, le temps partiel concerne 28 % des salariéEs, et presque une femme sur deux. Aux Pays-Bas, c’est encore pire, avec 50 % de temps partiel (et 77 % pour les femmes !). Aux États-Unis, le taux de pauvreté est de 24 %, et le quasi plein-emploi qu’on nous vante est une escroquerie. En réalité, le taux d’emploi des personnes en âge de travailler est plus faible aux États-Unis qu’en France. Cela signifie qu’une grande partie de la population états unienne ne travaille pas... tout en n’étant pas comptabilisée parmi les chômeurs !
Il ne s’agit pas de repeindre en rose le sort des salariés en France, mais de bien comprendre l’enjeu de la contre-réforme El Khomri : faire sauter les protections du code de travail pour aligner la France sur les pays les plus rétrogrades. à l’avenir qu’ils nous dessinent, la loi de la jungle et une explosion des inégalités, nous devons opposer le droit au salaire à vie.
Gaston Lefranc