Jacques Gaillot a été, depuis sa nomination en tant qu’évêque d’Évreux en 1982 et jusqu’à ce 12 avril, jour de sa mort, un prélat qui dérangeait l’Église romaine. Celle-ci ira jusqu’à le nommer évêque « in partibus » d’un diocèce inexistant, celui de Parténia, disparu sous le sable depuis le 5e siècle !
Un évêque engagé dans de nombreuses luttes avec les « sans » pour obtenir leurs droits que nous avons eu la chance de croiser souvent dans ces combats communs.
Soutenir les excluEs de l’Église catholique
Il s’est d’abord distingué par des positions en contradiction avec la doxa catholique. En soutien à celles et ceux qui, bien que croyantEs, sont excluEs de cette Église. Soutien affiché aux homosexuelEs, il accepte des interviews dans les journaux Lui et Têtu et se prononce très tôt pour le mariage pour toutEs. Il veut des changements radicaux pour l’Église : le droit des divorcéEs à se remarier religieusement s’iels le souhaitent, l’ordination des femmes ou encore le droit à la prêtrise des hommes mariés.
Et, de plus en plus, il prend des positions politiques sur l’accueil inconditionnel des immigréEs qu’il communique largement dans les différents médias. Lors d’une conférence des évêques de France, en 1993, avec une petite dizaine d’autres, il se prononce contre la position officielle de la hiérarchie catholique qui soutient le développement du nucléaire. Le pire pour l’Église, c’est qu’il rompt le sacro-saint silence des cénacles épiscopaux en diffusant largement sa position aux médias. Joignant les actes aux paroles, il s’engage dans Greenpeace et s’embarque sur l’un de leurs bateaux pour dénoncer les essais nucléaires français en Polynésie.
Soutenir les combats des sans
À partir de 1994, nous le côtoyons beaucoup, et le plus souvent avec ses deux complices en solidarité, Albert Jacquard et Schwartzenberg, trio que ce dernier appelait « les dreyfusiens du 20e siècle ». En 1994, il devient co-président de Droits Devant !!, mouvement nouveau contre la précarité et l’exclusion créé par des excluEs eux-mêmes dans lequel des militantEs de la LCR s’engageront aussi. Jacques Gaillot a participé l’emblématique occupation de la rue du Dragon en 1994.
En 1995, lorsqu’il est relevé de ses fonctions épiscopales pour prises de position contraires à celles de la hiérarchie catholique et donc jugées par celle-ci contraires à ses fonctions d’évêque, c’est une réaction massive et populaire qui s’exprime partout en France. 40 000 personnes rassemblées à Paris et des milliers devant tous les évêchés du pays. L’Église a raté son mauvais coup, est sortie encore plus divisée que jamais mais Gaillot, « le provocateur crucifié » (Libération) devient une icône bien vivante ! Que l’on croisera sur tous les terrains de lutte car, dira-t-il, « puisque Partenia n’a pas de lieu, je serai partout où des “sans” jugeront ma présence utile ».
Depuis, Jacques Gaillot a participé à toutes les grèves de la faim de migrantEs et à toutes les occupations conduites par le DAL dont il était co-président d’honneur. Il était venu notamment soutenir les expulséEs du 76 Gabriel-Péri à Saint-Denis en janvier 2012.
Souriant, déterminé et hypercalme notamment dans les moments de confrontation avec les flics ou les tensions entre les occupantEs fatigués, Jacques Gaillot se sentait fort de notre légitimité commune. Il rassurait celles et ceux qui en avaient besoin et impressionnait les flics. Il aimait rire, bien manger et danser. Alain Krivine et lui rivalisaient de blagues (plus ou moins drôles... !) et s’estimaient beaucoup.