Publié le Jeudi 22 octobre 2015 à 11h31.

L’arnaque du dialogue social

Deux semaines après le « déchemisage » de deux cadres à l’occasion de la tenue du comité central d’entreprise d’Air France, et une semaine après l’arrestation puis la mise en examen de cinq salariés-otages, Hollande a tiré ses enseignements de la séquence : pas d’autre choix que le dialogue social, opposé au chaos, à la violence sociale.

C’est lors de la quatrième conférence sociale de lundi que Hollande a une nouvelle fois tenté de convaincre qu’il est indispensable de se mettre d’accord entre « partenaires sociaux » sur les reculs exigés par patrons et actionnaires. Devant le faible écho rencontré par le matraquage médiatique visant à diaboliser les « voyous » commettant des « actes stupides » et les pilotes responsables des turbulences que traverserait Air France, le gouvernement tente de déplacer l’axe de sa politique.

Dialoguez, c’est un ordre !

Appliquant la méthode Coué, Hollande a défendu le Pacte de responsabilité, le Crédit d’impôt pour l’emploi et la compétitivité et les lois Macron et Rebsamen qui auraient permis des avancées pour les salariéEs et de sauver des emplois. Oublié le Parcours professionnel carrières emplois (PPCR), imposé malgré son rejet par une majorité d’organisations syndicales. Car l’une des impostures gouvernementales se situe bien là : le dialogue social ne vaut que si on en accepte non seulement ses règles... mais aussi les exigences patronales et gouvernementales qu’il cherche à faire entériner.

Fort d’une sélection de statistiques, le pouvoir tente d’isoler les « mauvais » syndicalistes. Les 85 % de signatures d’accord pour la CGT (93 % pour la CFDT) sont des accords d’entreprise, dont près d’un quart sont des accords quasi contraints sur l’épargne salariale ou l’intéressement. Au niveau des branches, la signature de la CGT « tombe » à 33 % (78 % pour la CFDT). Ainsi, on comprend mieux l’acharnement patronal à ramener les négociations au niveau de l’entreprise, là où la pression, le chantage patronal, sont les plus forts.

Ceci s’explique aussi l’offensive contre les « rebelles » menée par Hollande : « Il est […] commode de ne jamais s’engager à signer le moindre accord, en espérant d’ailleurs que d’autres le feront à leur place, tout en dénonçant, dans le même mouvement, les insuffisances du dialogue social », de même que pour Valls : « Abîmer le dialogue social, c’est quand on s’enferme dans les postures, quand l’enjeu interne l’emporte sur l’intérêt général ». Des discours que tout militant syndical d’entreprise a l’habitude d’entendre dans la bouche de son patron. L’autre angle d’attaque consiste à reprocher à Martinez de répondre aux pressions des militantEs de la CGT (manipulés bien entendu par l’extrême gauche…). Gonflé de la part de deux dirigeants d’un parti politique dont tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il a tourné le dos aux promesses faites à ses électeurs.

De toute façon, je continue...

Les réformes annoncées vont dans le même sens. Après s’être félicité du nouveau recul sur les retraites complémentaires, Hollande a confirmé la simplification du droit du travail qui ne vise qu’à donner plus de pouvoir aux employeurs, si possible avec la complicité des organisations syndicales ou par chantage à l’emploi pour les salariéEs.

Enfumage autour du compte personnel d’activité qui vise à individualiser des droits collectifs, ou développement de l’apprentissage, dont le seul objectif est de faire baisser artificiellement le nombre de chômeurs en précarisant toujours plus l’emploi. Discours creux sur le numérique et la transition écologique qui sonnent comme un appel à investir dans le capitalisme vert et le numérique, avec la sollicitude et l’aide financière du gouvernement.

En fait de dialogue, il s’agit d’une dictature, celle du fric, d’une violence patronale et gouvernementale, avec un Valls solidaire de la direction d’Air France et un ministère du Travail, une police, une justice qui réprime aussi un médecin du travail chez PSA ou une inspectrice du travail à Annecy qui ont simplement osé mettre en cause la dictature patronale.

Notre réponse : mobilisation !

De la résistance des salariéEs d’Air France, Hollande ne tire qu’une leçon : dialoguez entre représentants d’intérêts différents. Nous en tirons une autre, radicalement opposée : la nécessité d’un affrontement pour arracher nos moyens d’existence à ceux qui détiennent tous les pouvoirs sur notre travail et notre vie.

Face aux violences sociale, politique, policière, celle des salariéEs est toujours, non seulement légitime mais le plus souvent la seule méthode pour faire reculer le patronat, le gouvernement. C’est pourquoi, avant comme après cette conférence sociale, notre objectif – celui des organisations syndicales, politiques, associatives qui refusent la régression sociale – est celui de la mobilisation. Mobilisation au côté de ceux d’Air France, tout d’abord ce jeudi 22 octobre devant l’Assemblée nationale, puis le 2 décembre lors du procès des salariéEs véritablement pris en otage. Et la construction d’une mobilisation large, unitaire, contre le projet de démolition du code du travail, d’affaiblissement du droit du travail au détriment des salariéEs.

Robert Pelletier