Les inégalités sont importantes en France : inégalités de revenus, face au travail, à l’école… Et elles tendent souvent à se cumuler. Derrière ces inégalités, il y a des classes sociales et un système économique.
L’Observatoire des inégalités vient de publier un rapport très intéressant sur les inégalités en France. Il en explore toutes les dimensions : travail, situation des immigréEs et des femmes, santé, logement, revenu, patrimoine… le diagnostic est clair : des inégalités importantes, et qui tendent à s’accroître malgré le système de protection sociale qui joue encore un rôle d’amortisseur.
« C’est la crise », disent gouvernement et patrons pour justifier les « réformes », mais au final, la crise frappe essentiellement les milieux populaires : 70 % des chômeurs supplémentaires entre 2008 et 2016 sont des employéEs ou des ouvrierEs. Parmi ces dernierEs, les « non-qualifiés » souffrent d’un taux de chômage de 20 %, contre 9,4 % en 1982. La part des emplois précaires – CDD ou intérim principalement – a continué de progresser pour atteindre 13 % en 2015, soit 3,4 millions de personnes. L’augmentation de la précarité a touché les jeunes de tous les niveaux de diplômes, mais elle a explosé pour les non-diplôméEs du supérieur. Et les inégalités face au diplôme sont liés au milieu social : 52 % des enfants de cadres ou d’enseignants obtiennent un bac + 3, contre seulement 8 % des enfants d’ouvrierEs non qualifiés. Les enfants des classes populaires sont à peu près absents des classes préparatoires aux grandes écoles.
La crise frappe ceux d’en bas
Quant aux immigréEs et enfants d’immigréEs, leur situation résulte à la fois de leur milieu social et de discriminations à l’embauche. La situation des femmes s’est améliorée avec un accès plus grand aux emplois de cadres... Mais les salaires restent inégaux et beaucoup de femmes sont cantonnées dans des postes d’ouvrierEs et d’employéEs peu qualifiés.
Les pénibilités au travail sont loin de disparaître : travail à la chaîne, substances dangereuses, bruit, absence d’autonomie, dimanche, nuit. La part des salariéEs qui subissent des contraintes liées au rythme de travail ne diminue pas : 31,6 % en 2005, 35,2 % en 2013. La part de ceux qui supportent des contraintes physiques a aussi progressé, même si c’est dans une moindre mesure. Cela a des conséquences : l’espérance de vie en bonne santé (« sans problèmes sensoriels et physiques ») est de 69 ans pour les cadres supérieurs... et de 59 ans pour les ouvrierEs.
Le fossé entre les revenus des plus aisés et ceux des moins favorisés continue de s’agrandir. Ces inégalités de revenus ne s’accroissent plus seulement par le haut : les catégories les plus pauvres de la population ont vu leur niveau de vie diminuer depuis une dizaine d’années, alors que celui des plus riches augmentait. Les écarts entre les carrières salariales deviennent exorbitants. La pauvreté, qui diminuait depuis la fin des années 1970, est repartie à la hausse. Cette pauvreté est largement liée à l’emploi (chômage, précarité, temps partiel subi) : les chômeurEs et les inactifEs représentent 71 % des pauvres, et il y a 1,9 million de travailleurs pauvres.
C’est en matière de patrimoine que le décalage est le plus impressionnant. En 2015, 10 % de la population détenait 90 % du patrimoine, quand les 50 % en bas de l’échelle en possèdent 8 %.
Ce n’est pas seulement une question de montant : le patrimoine des moins riches, quand ils en ont un, est surtout constitué d’un logement et d’un compte d’épargne, alors que celui de la classe supérieure est largement composé de logements mis en location, d’entreprises et de titres financiers. Plutôt que de patrimoine, il faudrait parler de capital : un capital qui représente non seulement une richesse mais aussi la possibilité de l’accroître, et un pouvoir économique et social.
Les inégalités sont donc largement le reflet d’un système basé sur la propriété privée...
Henri Wilno