Dans la compétition féroce à laquelle se livrent, sur fond de repli de la consommation, les grands groupes de la distribution, les salariéEs constituent plus que jamais la variable d’ajustement, à tel point que la CGT, la principale organisation du secteur, compare la situation du commerce à celle qui a frappé la sidérurgie au tournant des années Mitterrand.
Disparitions d’enseignes
Le commerce des biens est de plus en plus segmenté : outre la polarisation croissante entre les créneaux du haut de gamme et du bon marché, il y a de moins en moins de place pour le numéro deux dans chaque secteur d’activité, et le cimetière des enseignes qui semblaient immuables n’en finit pas de se remplir ces dernières années (Virgin hier, New Look demain). La diminution et flexibilisation de la main-d’œuvre sont plus que jamais à l’ordre du jour, en raison non seulement d’une pression toujours plus forte des actionnaires en matière de rentabilité, mais aussi de la transformation numérique, qu’on ne saurait résumer au seul développement d’Amazon qui inaugure en septembre son premier entrepôt en région parisienne, car la plupart des enseignes ont aussi leur magasin virtuel.
Ainsi, la branche hypermarché de Carrefour s’est massivement emparée en mai dernier du dispositif de la rupture conventionnelle collective (RCC), institué par les ordonnances Macron, pour supprimer 3 000 emplois sur 60 000 : suite à l’accord majoritaire de la CGC et de FO, elle peut ainsi s’affranchir du motif économique du licenciement, inhérent à la mise en œuvre d’un « plan de sauvegarde de l’emploi », en mettant en avant le prétendu volontariat des salariéEs sur le départ, alors même que les suppressions d’emplois sont ciblées sur six secteurs d’activité desquels elle veut se désengager au plus tard à la fin de l’année.
Polyvalence accrue du personnel
C’est aussi l’essor de l’installation des caisses automatiques, qui ne peut être détaché de l’extension ces dernières années des horaires d’ouverture des commerces, tant sur une base territoriale (les Zones touristiques internationales issues de la loi du ministre Macron) que sectorielle (la branche du bricolage pour le dimanche et dernièrement le travail de nuit pour les commerces alimentaires, rejeté pour le moment par le Conseil constitutionnel).
Le cocktail est amer : de moins en moins de personnel, dilué sur des plages d’ouverture toujours plus étendues, la robotisation de l’encaissement venant combler les trous... Dès lors, les conditions de travail sont de plus en plus tendues, ce qui conduit, à défaut de fermeture, à externaliser le processus de « transformation » des magasins jugés chancelants ou réticents par l’intermédiaire de leur mise en location-gérance. À noter également la course à la diversification, au travers de l’essor de services annexes en magasin, qui entraîne une polyvalence accrue du personnel (guichet postal, point restauration) ou l’acquisition de nouveaux marchés (le rachat récent de Nature et Découverte par le groupe Fnac-Darty).
Un autre commerce est possible mais cela passera par un pouvoir accru des travailleurEs sur l’ensemble de la chaîne de valeur et une vigilance des consommateurEs qui va au-delà du green washing ou de sa limitation aux niches que sont le bio et le commerce dit responsable.
LD